Bricolage de pointe
Bricolage de pointe
par Catherine Dubé – 27/04/2010
Ces micro-grillages, ces poutrelles minuscules et ces tout petits ressorts fabriqués à l’aide d’une… seringue ont beaucoup d’avenir devant eux. Le polymère dont ils sont faits est additionné de nanotubes qui leur confèrent rigidité, conductivité et légèreté!
Si la grande révolution nanotechnologique n’a pas enore eu lieu, c’est parceque les nanoparticules sont trop… petites. Leur taille (de l’ordre du millionième de millimètre) leur confère des propriétés exceptionnelles (conductivité électrique, rigidité extrême, changement de couleur, etc.), mais elle complique sérieusement leur utilisation! Pas facile de manipuler des matériaux qu’on ne peut même pas voir à l’œil nu.
Quand il s’agit de simplement mélanger des nanoparticulesà de la peinture, ça va, mais comment faire pour positionner avec précision ces matériaux lilliputiens, comme il le faut dans le domaine de la microélectronique, par exemple? «On peut les déposer en couches minces, par lithographie, explique l’ingénieur mécanique Daniel Therriault, professeur à l’École polytechnique, à Montréal. Quand on veut fabriquer des microstructures en trois dimensions,cette technique est cependant limitée: on peut superposer plusieurs couches, mais c’est très laborieux et pas toujours réussi.»
Mais tout pourrait changer. Daniel Therriault et le physicien My Ali El Khakani, chercheur à l’INRS-Énergie, Matériaux et Télécommunications, ont réus si à fabriquer des micro-grillages, des pou trel les minuscules et même des micro-ressorts contenant des nanotubes decarbone, ces longs tubes constitués d’atomes de carbone (voir l’encadré à la page 52).
Dans un premier temps, ils ont ajouté les nanotubes à du polymère. Le but? Allier la légèreté du polymère à la conductivité électrique des nanotubes ainsi qu’à leur grande rigidité. En ajoutant à peine 0,5% de nanotubes, ils ont rendu le matériau 15 fois plus rigide!
Les chercheurs ont ensuite rempli uneseringue reliée à un ordinateur avec le mélange ainsi obtenu. En programmant avec précision la pression et la vitesse de déplacement de la seringue, ils ont pu reproduire avec fidélité la forme commandée.
Mais un tel exploit n’aurait pu se produire avec n’importe quel polymère. Celui qui a été choisi est du polyuréthane additionné d’un agent chimique réagissant aux ultraviolets (UV), habituellementvendu comme colle dans l’industrie électronique. Ce matériau durcit instantanément lorsqu’il est exposé à des UV.
Quand le liquide visqueux sort de la seringue, il est soumis à des faisceaux de lumière produits par des fibres optiques qui le figent en quelques secondes. C’est cette astuce qui permet de modeler des formes en trois dimensions. Car le polymère se solidifie au fur et à mesure,autorisant les changements de trajectoire de l’aiguille: courbes, virages à 90° ou mouvements suivant un axe vertical. Cela donne des micro-poutres qui tiennent debout toutes seules ou des lignes qui s’entrecroisent sans se toucher.
Mais pour en arriver là, l’étudiant au doctorat Louis Laberge Lebel a du faire bien des essais. Une des difficultés consistait à trouver l’angle parfait des faisceauxlumineux. Un mauvais positionnement, et toute la structure s’écroule. «C’est la quatrième version de la machine», dit Daniel Therriault en désignant la petite installation, posée sur une table dans son laboratoire.
En 45 secondes, un micro-ressort prend forme sous nos yeux. Mais pour le distinguer, mieux vaut en avoir de bons, car il ne mesure que 0,8 mm de diamètre et 2 mm de haut.
Ces jolispetits objets sont promis à un brillant avenir en microélectronique et dans l’industrie aérospatiale. Comme ils conduisent l’électricité, tout en étant plus légers que du métal, ils pourront être utilisés dans de minuscules systèmes électromécaniques, comme des senseurs, des capteurs ou des blindages électromagnétiques.
Un brevet a été déposé aux États-Unis (où se trouvent les principales…