Chapitre 4 de traité théologico-politique de spinoza.
Il semble donc que l’on doive définir la loi plus particulièrement comme une règle de vie que l’homme s’impose à lui-même ou impose à d’autres pourune fin quelconque. Toutefois, comme la vraie fin des lois n’apparaît d’ordinaire qu’à un petit nombre et que la plupart des hommes sont à peu prèsincapables de la percevoir, leur vie n’étant rien moins que conforme à la raison, les législateurs ont sagement institué, afin de contraindre également tousles hommes, une autre fin bien différente de celle qui suit nécessairement de la nature des lois ; ils promettent aux défenseurs des lois ce que levulgaire aime le plus, tandis qu’ils menacent leurs violateurs de ce qu’il redoute le plus. Ils se sont ainsi efforcés de contenir le vulgaire dans lamesure où il est possible de le faire, comme on contient un cheval à l’aide d’un frein. De là cette conséquence qu’on a surtout tenu pour loi une règlede vie prescrite aux hommes par le commandement d’autres hommes, si bien que ceux qui obéissent aux lois, on dit qu’ils vivent sous l’empire de la loiet ils semblent être asservis. Il est bien vrai que celui qui rend à chacun le sien par crainte du gibet agit par le commandement d’autrui et estcontraint par le mal qu’il redoute ; on ne peut dire qu’il soit juste ; mais celui qui rend à chacun le sien parce qu’il connaît la vraie raison des lois etleur nécessité agit en constant accord avec lui-même et par son propre décret, non par le décret d’autrui ; il mérite donc d’être appelé juste.