Le vieux saltnbanque
Tout n’était que lumière, poussière, cris, joie, tumulte : les uns dépensaient, les autres gagnaient, les uns et les autres également joyeux. Les enfants se suspendaient aux jupons de leurs mères pour obtenir quelque bâton de sucre, ou montaient sur les épaules de leur père pour mieux voir un escamoteur éblouissant comme un dieu. Et partout circulait, dominant tous les parfums, une odeur defriture qui était comme l’encens de cette fête.
Au bout, à l’extrême bout de la rangée des baraques, comme si, honteux, il s’était exilé lui-même de toutes ces splendeurs, je vis un pauvre saltimbanque, voûté, caduc, décrépit ; une ruine d’homme, adossé contre un des poteaux de sa cahute ; une cahute plus misérable que celle du sauvage le plus abruti, et dont deux bouts de chandelles, coulants etfumants, éclairaient trop bien encore la détresse.
Partout la joie, le gain, la débauche ; partout la certitude du pain pour le lendemain ; partout l’explosion frénétique de la vitalité. Ici la misère absolue, la misère affublée, pour comble d’horreur, de haillons comiques, où la nécessité, bien plus que l’art, avait introduit le contraste. Il ne riait pas, le misérable ! Il ne pleurait pas, il nedansait pas, il ne gesticulait pas, il ne criait pas : il ne chantait aucune chanson, ni gaie, ni lamentable, il n’implorait pas. Il était muet et immobile. Il avait renoncé, il avait abdiqué. Sa destinée était faite. Mais quel regard profond, inoubliable, il promenait sur la foule et les lumières dont le flot mouvant s’arrêtait à quelques pas de sa répulsive misère.
LE COMMENTAIRE COMPOSEI) Objectif de l’exercice :
Mettre en forme, construire, organiser tous les éléments tirés d’une explication linéaire d’un texte en vers ou en prose.
Il s’agit en quelque sorte d’une dissertation dont le sujet est un poème ou une page de roman… Il y aura donc une introduction, un développement en 3 parties, une conclusion.
II) Méthode de travail (étapes) :
A – Lire le texte (le crayon àla main), repérer les articulations, les mots-clés, et essayer de préciser le thème général.
Le portrait d’un vieil artiste forain délaissé, exclus de la fête et de la société. Ce texte peut se subdiviser en 4 parties :
– la description de la fête
– le portrait du vieux saltimbanque et de son environnement
– la confrontation des 2 univers
– après mais, unautre regard, ou un autre jugement sur le personnage
B – Procéder à une explication minutieuse et linéaire du texte
Observer :
– les connecteurs : TOUT
– temps et modes : IMPARFAIT, temps de la description et de la durée
– ponctuation : DE NOMBREUSES VIRGULES : phénomène d’accumulation
– substantifs avec leurs sens dénotés et connotés :
Première phrase :LUMIERE : évoque un éclairage vif mais aussi la vie
POUSSIERE : fait penser au mouvement, mais aussi au caractère éphémère de la vie et de la joie
CRIS : évoque une ambiance sonore bruyante (enfants, camelots)
JOIE : à ne pas confondre avec bonheur, sentiment moins noble d’origine plus ou moins matérielle
TUMULTE : fait penser à désorganisation, troupeau
DEPENSAIENT, GAGNAIENT : on est dans leregistre de l’argent qui semble être le moteur de la fête
LES UNS, LES AUTRES, EGALEMENT, TOUT : une généralité – personne ne semble être exclus de la fête.
Deuxième phrase :
ENFANTS, MERES, PERE : toutes les générations sont concernées. La fête abolit les différences d’âge
SE SUSPENDAIENT – MONTAIENT : dans les deux cas, il s’agit de se mettre à un autre niveau afin d’obtenir ou de voir :la fête fascine les enfants
UN ESCAMOTEUR EBLOUISSANT COMME UN DIEU – QUELQUES BÂTONS DE SUCRE : ce que les enfants désirent est dérisoire mais représente beaucoup à cet instant ; le sucre est ici un produit exceptionnel susceptible d’adoucir un peu l’amertume de l’existence. L’escamoteur est un magicien qui semble faire des miracles comme un dieu. En réalité, c’est un usurpateur qui trompe son…