L’interprétation de la règle de droit
Le droit est un art de l’interprétation. Il n’est guère de règle qui ne puisse être interprétée en des sens différents. L’écart entre le caractère abstrait de la règle et le cas précis auquel il s’agit de l’appliquer donne nécessairement place à une interprétation. Interpréter c’est « discerner le véritable sens d’un texte obscur » (vocabulaire Cornu). Même une définition d’apparence aussi simpleque l’article 311-1 du Code pénal (« Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui » ) donne lieu à de multiples interprétations : Est-ce que celui qui s’empare momentanément de la chose avant de la restituer s’est rendu coupable d’une « soustraction » ? Est-ce que celui qui a pris par mégarde la chose d’autrui s’en est emparé « frauduleusement » ? Est-ce qu’une partie du corpshumain peut-être considérée comme la « chose » d’autrui ?
On peut se demander à qui appartient-il de d’interpréter la règle de droit ?
De prime, il paraît naturel de reconnaître précisément ce pouvoir à l’autorité même dont elle émane. La formule latine « Ejus est interpretari jus est condere » exprime cette idée. Dans l’Ancien droit, le roi se réservait, ainsi, la possibilité d’interpréter lesédits et ordonnances selon son plaisir. Ce fut, ensuite, le référé législatif, institué après 1790 jusqu’en 1837. Il s’agissait de faire prévaloir la loi sur le juge, dans le principe selon lequel seule la loi est légitime puisqu’elle est l’expression de la volonté générale. Aujourd’hui on assiste à un dédoublement voir un triplement des autorités en charge de l’interprétation des lois.Officieusement, mais cela a toujours été, la doctrine se fixe pour objectif d’interpréter la loi, quoique sont autorité soit limitée. Dans notre système, ce sont donc principalement les tribunaux (de l’ordre judiciaire ou administratif ) qui usent du pouvoir d’interpréter les lois et les règlements.
Officiellement, surtout, la jurisprudence (elle désigne l’ensemble des décisions de justice) et,essentiellement, les grands arrêts de la Cour de Cassation ou du Conseil d’État assurent cette fonction d’interprétation de la loi. Notons qu’il est obligatoire pour un juge de juger car d’après l’article 4 du Code civil « le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ».
Si l’interprétationjudiciaire demeure aujourd’hui la principale filière de l’interprétation, l’importance grandissante de l’Administration a entraîné le développement d’une interprétation administrative, par exemple les circulaires, réponses ministérielles à des questions écrites de parlementaire ou encore les rescrits (domaine du droit fiscal ou financier).
Notons que la jurisprudence, par sa fonction même, reste unesource essentielle du droit.
Nous nous demanderons si l’interprétation des règles de droit. doit s’effectuer selon des règles précises et/ou s’il faut respecter un raisonnement logique.
Nous verrons donc dans une première partie les procédés logiques d’interprétation de la règle de droit et ensuite dans une seconde partie nous analyserons ses différentes méthodes d’interprétation.
I)PROCEDES LOGIQUES D’INTERPRETATION DE LA REGLE DE DROIT :
La règle de droit doit être interprété selon des « règles ». En effet elle doit suivre un raisonnement logique. En guise de préliminaire, nous verrons le syllogisme juridique puis ensuite les maximes d’interprétations.
A) Le syllogisme juridique :
Le syllogisme juridique est une opérationintellectuelle qui tient à la fois de la logique et de la rhétorique. C’est à la fois un moyen d’atteindre un résultats juste et de convaincre. Cette technique d’interprétation repose sur le raisonnement suivant : les faits étant ce qu’ils sont, la règle étant ce qu ’elle est, il y a lieu d’appliquer celle-ci à ceux-là. Elle permet donc d’appliquer la règle, générale et impersonnelle, aux faits de…