Commentaire sonnet boiteux
Résumé? : Sonnet boiteux est le 7ème poème du recueil « Jadis et Naguère » et comme l’indique le titre s’il s’agit bien d’un sonnet, Verlaine y apporte quelques entorses aux règles traditionnelles, dans la versification et dans la longueur irrégulière des vers. Boiter témoigne, d’un manque d’équilibre, d’un manque d’harmonie. Le sonnet boiteux est le reflet de l’âme du poète au moment où Rimbaud lequitte, en novembre 1872 pour revenir en janvier 1873 auprès de lui, car Verlaine est malade.?
I – Une harmonie poétique brisée
?Verlaine a subit l’influence de Rimbaud et de Baudelaire qui dans leurs poésies font souvent appel avec cette forme contraignante, le sonnet, pour traduire avec plus de force l’harmonie poétique. Le sonnet de Verlaine est cependant boiteux, et ce caractère tient àl’emploi d’un mètre de treize syllabes en place de l’alexandrin harmonieux et équilibré de douze pieds avec césure au milieu auquel on s’attend par tradition et dont s’il a ici, à première vue la longueur, il n’en a ni le rythme ni l’équilibre. Composé de deux quatrains et de deux tercets, le poème est bien un sonnet mais il s’en écarte dans la structure des rimes des quatrains qui généralementsont des rimes embrassées ABBA, et qui ici sont des rimes croisées ABAB, mal/infortuné/animal/fané. La longueur traditionnelle des vers d’un sonnet est de 12 pieds, ce sont des alexandrins, mais Verlaine choisit de préférence le vers impair, plus musical selon lui, et allonge le vers à 13 pieds. Pour traduire la mutilation de son sonnet, traduisant sa souffrance, le poète multiplie les imagesdouloureuses traduisant son pessimisme et sa lassitude. Au moment où Verlaine écrit ses vers, vers décembre 1872, ses correspondances nous apprennent qu’il est très malade depuis le départ de Rimbaud, presque agonisant, que ses jours sont probablement comptés et il souhaite la venue à ses côtés de sa mère, de sa femme et de son fils. Verlaine vit un véritable supplice que soulignent les sonoritésplaintives qui jalonnent tout le texte. On assiste à une répétition en forme d’écho plaintif du son « a » qui se répète dans le premier quatrain. « Ça finit trop mal », « pas permis d’être à ce point », « la mort du naïf animal », « son regard fané ». En lisant ce poème c’est un chant plaintif que nous entendons, avec un accent inimitable qui révèle son âme douloureuse et sa souffrance existentielle.?Le derniertercet, la chute, avec ses assonances en « an » sont comme des coups de boutoirs répétés qui détruisent le poète comme jadis Sodome et Gomorrhe des villes libertaires de la bible furent brûlées par le feu du ciel.?
2- Des références bibliques ?
Londres ou plutôt son quartier de plaisirs, de dissipation, « Soho » va subir dans l’imaginaire du poème, comme dans une sorte d’exorcisme, le sort réservéjadis par la colère divine aux villes bibliques pécheresses de l’ancienne Palestine, Sodome et Gomorrhe, célèbres pour les mœurs dissolues de ses habitants qui furent détruites par le feu. Les images de feu apparaissent tôt dans le poème, dès le second quatrain, Londres fume et crie, le gaz flambe, les enseignes sont vermeilles, le ratatinement des maisons est terrible, épouvantable. Au imagesflamboyantes, succède tout un cortège de souffrances, pour expier les péchés de ce peuple de ville, damné. « Tout l’affreux passé saute, piaule, miaule et glapit », c’est le passé de Verlaine avec Rimbaud qui est jugé honteux, pervers. Londres avec ses habitants est sale, une sorte de tanière du vice, le mot sale traduisant aussi bien la laideur physique des rues, des édifices que celle morale de seshabitants.?
3 – Un martyr ?
Le dernier tercet reprend le premier quatrain pour donner au poème, l’image d’un cycle. Le poème veut donner de son auteur l’image de quelqu’un qui tourne en rond, qui erre sans but et sans espoir, ou quelqu’un qui va mourir, qui va revenir au néant. A la plainte initiale succède désormais le refus, « non, c’est trop un martyre sans espérance », le terme martyre…