Une farce tragique
2/ Une farce tragique
Entretiens avec Claude Bonnefoy :
« Dans la plus part de vos pièces, le mécanisme compte beaucoup. Il revêt, de surcroît, d’une pièce à l’autre, des formes différentes, formes qui peuvent se conjuguer à l’intérieur d’une même pièce : mécanisme du langage, automatisme du comportement, prolifération des objets, accélération et dérèglement de l’action. Mais il y aplus. La manière dont vous utilisez ces mécanismes constituent une rupture avec les mécanismes théâtraux traditionnels. Classiquement, il existe au théâtre deux formes de mécanismes :
· un mécanisme tragique, correspondant à la fatalité qui conduit à la mort du héros
· un mécanisme comique qui consiste dans la répétition de phrases ou de situations, dans l’enchevêtrement del’intrique qu’il faudra démêler d’un coup.
Mais en général, ces mécanismes extérieurs aux personnages constituent un ou des engrenages auxquels ceux-ci ne peuvent échapper. D’un côté, on a le destin, de l’autre, le croc-en-jambe qui fait tomber le clown.
Chez vous, au contraire, le mécanisme part du comique, du burlesque, tout en semblant naître du comportement même des personnages, puis vas’amplifiant et brusquement par son outrance ou son dérèglement devient tragique.
Ionesco explique ce mécanisme dans Notes et contre-notes, « Expérience du théâtre ». Il désire « souligner par la farce, le sens tragique du texte ». Dans la mesure où, « le comique étant une intuition de l’absurde, il [lui] semble plus désespérant que le tragique. » le comique n’offre pas d’issue : « il est au-delàet en-deçà du désespoir et de l’espoir ». Un peu plus loin, dans « entretiens », il précise que « le comique n’est souvent qu’une étape de la construction dramatique. Il devient de plus en plus un outil pour faire contrepoids avec le drame. Le comique est une autre face du tragique. »
De ce fait, il a dans les Chaises tenter de noyer le tragique dans le comique, ou si l’on veut d’opposer lecomique au tragique pour les réunir dans une synthèse théâtrale nouvelle. Mais il ne s’agit pas d’une véritable synthèse, car ils coexistent, se repoussent l’un l’autre, se mettent en relief, se critiquent et se nient mutuellement.
a/ des personnages qui rient et qui pleurent
Tout au long de la pièce nous assistons à des scènes joviales mais aussi pathétiques. Rires et larmes seconfondent. Pour preuve, relire la pièce de puis la vingtième page.
Cependant ces émotions se teintent d’une dimension symbolique. Ainsi, les rires finals ne sont pas anodins.
p87 : « On entend pour la première fois les bruits humains de la foule invisible : ce sont des éclats de rire, des murmures, des « chut », des toussotements ironiques »
En effet, pour le dramaturge, le rire « estl’aboutissement du drame. On rit pour ne pas pleurer. »
b/ des personnages tragiques ou comiques ?
Dans Notes et contre-notes, Ionesco définit ainsi ses personnages :
« Les personnages comiques, ce sont les gens qui n’existent pas. Le personnage tragique ne change pas, il se brise ; il est lui, il est réel. »
Aussi, dans Les Chaises trouvons nous disséminé des verbes tels que « fendre, briser,casser… ».
Les personnages tragiques seraient alors, la Vieille, le Vieux et l’Orateur. Le couple est englué dans un présent oppressant, où rêves, fantasmes et réalités se côtoient. Quant à l’Orateur, il se voit dans l’impossibilité de communiquer le « message » du Vieux. Ce personnage tragi-comique amplifie la tragédie de la mort du couple.
Remarque : mort presque tragi-comique, elleaussi, du fait qu’elle « parodie » le thème de « la mort des amants ».
Pour les personnages comiques, nous ne citerons que le colonel p38/39 par exemple, ou encore p42-43, où il s’agit de la grande scène de séduction.
c/ existe-t-il une fatalité dans Les Chaises ?
· une fatalité exprimée par les personnages ?
p28-29 : le Vieux : « la réunion aura lieu dans quelques…