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Valérie Presselin Lycée polyvalent Gustave Eiffel Rueil-Malmaison ( Hauts-deSeine)
1) AVERTISSEMENT
Composante du paysage urbain moderne, omniprésente avec ses jingles et ses images, la publicité est devenue un phénomène social dont l’importance croit au même rythme que la place prise par les médias dans la vie individuelle. L’exposition quotidienne aux médias est eneffet de 6 heures, dont 3 à 4 devant la télévision.1 Difficile dans ces conditions, d’échapper à l’impression de saturation et de confusion, comme le remarque abruptement Erik Vergroeven, président de TBWA Paris : « N’importe qui, dans sa vie, reçoit 500 à 800 messages publicitaires par jour. C’est pour cela qu’on nous paie. Pour qu’une marque sorte du lot.»2 Comme ce travail de différenciation estdes plus difficiles, le flux du discours publicitaire crée une sorte de bruit de fond indistinct. On n’entend plus, on ne voit plus la publicité, élément noyé dans un champ plus vaste, celui de la communication, qui interfère avec les activités industrielles et commerciales mais également avec la vie sociale, politique et culturelle. Comment lui (re)donner un peu de lisibilité ? Passer par le détourde l’anglais peut-être un angle d’attaque intéressant. L’anglais utilise pour désigner la publicité un mot d’origine française, advertising, qui vient d’avertir, « faire remarquer », « donner un avis ». Suivons la piste linguistique : elle nous conduit tout droit à Montaigne, ou plutôt à son père, qui rêvait « d’avertissement » pour « faciliter les échanges entre les hommes, marchands ou non ».« Feu mon père m’a dit autrefois qu’il avait désiré qu’il y eut dans chaque ville un certain lieu désigné où ceux qui auraient besoin de quelque chose puissent se rendre et faire enregistrer leur affaire par un officier établi . (…) Ce moyen de nous entr’advertir apporterait une grande commodité au commerce public . »3
L’accent est mis sur le lien entre publicité et commerce, au sens le pluslarge du terme, et c’est bien ce qui nous intéresse. Premier constat : « l’entr’advertissement » a partie liée avec l’échange, la sociabilité puisqu’ elle permet de mettre en relation des gens qui ne se connaissent pas mais qui ont besoin les uns des autres et souhaitent entrer en relation. C’est peut-être la raison pour laquelle la publicité moderne a pu aussi aisément se mettre au service descauses sociales ou politiques. Le plus frappant est que, lorsque le discours publicitaire délaisse la promotion d’intérêts privés pour servir l’intérêt collectif, sa phraséologie s’appuie
Selon Médiamétrie Le Monde, 29 juin 2004, interview accordée dans le cadre du Festival international de la publicité à Cannes. 3 C’est nous qui soulignons. Les Essais, 3, 9. Il faudra attendre un siècle pour quecette idée devienne une réalité concrète. C’est en 1628 seulement que Théophraste Renaudot crée à Paris le premier bureau d’annonces, sorte d’agence de petites annonces particulières, répertoriant les demandes et les offres les plus diverses. Rencontrant un vif succès, il publie avec le soutien de Richelieu La Gazette, périodique présentant les édits et publications royales, enrichi à partir de 1631de feuilles volantes reproduisant les petites annonces. C’est la première forme de publicité de Presse, suppléant les placards (les affiches), très sévèrement réglementés.
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sur cette notion de commerce, de lien qu’il faudrait tisser ou retisser entre les hommes. En ce sens, la publicité est bien une dimension constitutive de la société.4 En même temps, la réflexion de Montaignepermet de ne pas perdre de vue la dimension strictement commerciale de la publicité, dimension qui la rend si « commode ». Allons plus loin : la publicité est avant tout, « l’art d’exercer une action psychologique sur le public à des fins marchandes ». La définition du Robert vaut elle aussi comme avertissement : communication partisane, la publicité ne relève pas du discours explicatif ou…