Jean de la fontaine
Jean de LA FONTAINE (1621-1695)
Le Corbeau et le Renard
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l’odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
« Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. «
Aces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s’en saisit, et dit : « Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute :
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. «
Le Corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.
Explication duCordeau et du Renard
Deux sources à cette fables la version d’Esope (« Le Corbeau et le Renard ») et celle de Phèdre (Macédoine – 10 avant J.-C. – vers 54 après J.-C., auteur de vingt-trois fables imitées d’Esope). La version du fabuliste latin (Livre I, 13) a été traduite en français par Sacy en 1647.
Sa moralité était celle-ci « Cette fable fait voir ce que peut l’esprit, et que la sagesse esttoujours la plus forte ». Une fois de plus, cette pièce a été l’objet d’une virulente critique de la part de J.-J. Rousseau dans l’ « Emile », critique qui sera réfutée en 1759 par Lessing. Si, dans la fable précédente, La Fontaine la fourmi possède beaucoup de biens qu’elle ne montre pas, ici, le corbeau, par vanité, montre le peu de richesses qu’il a et se la fait dérober. Cette vanitéapparaîtra encore dans la fable suivante « La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf ». Comparaison encore entre la cigale qui n’a rien et repart les mains » vides et le renard qui lui non plus ne possède rien mais repart la bouche pleine. Cette fable remet en question la morale que nous aurions pu tirer, un tantinet trop vite, de la première.
Comme dans toutes ses fables Jean de LaFontaine se sert des animaux pour parler des travers des hommes.
C’est ici qu’on commence à trouver La Fontaine. Le discours du renard n’a que cinq vers , et n’en est pas moins un chef-d’œuvre. Monsieur du corbeau, pour entrer en matière ; et à la fin, vous étes le phénix, etc.
V.14. Il est plaisant de mettre la morale dans la bouche de celui qui profite de la sottise: c’est le renard qui donne laleçon à celui qu’il a dupé , ce qui rend cette petite scène, en quelque sorte , théâtrale et comique.
Il est fâcheux que Monsieur rime avec flatteur, c’est-à dire ne rime pas , mais c’était l’usage alors de prononcer l’r de monsieur.On tolère même de nos jours cette petite négligence au théâtre , parce qu’elle y est moins remarquable.
L’intérêt des fables de la Fontaine réside dans leurambiguité, dans la multitude de sens et d’enseignements que l’on peut en tirer, dans la critique politique ou philosophique, plus ou moins cachée, que l’auteur y a disséminée.
Cette étude décrit la théorie générale discernable chez La Fontaine : l’action est guidée par un déterminisme très strict, tout en étant soumise aux retournements d’un imprévu lié aux circonstances ; ce qui donne pour principal etseul but didactique possible de La Fontaine la connaissance de soi et des autres, afon de sortir gagnant de toutes sortes de situations.
La morale d’une fable n’est jamais claire, jamais unique. De plus, cette morale n’exprime pas une vérité générale mais plutôt une multitude d’observations, de jugements tirés d’expériences diverses.
En s’appuyant sur l’avis d’un critique contemporain, cetteétude expose l’enseignement que souhaite apporter La Fontaine.
Lien entre le détour et le Corbeau et le Renard
Comme dans toutes ses fables Jean de La Fontaine se sert des animaux pour parler des travers des hommes. L’auteur utilise finalement le détour plus d’une fois dans l’écriture de ses fables. D’une part, il utilise une métaphore par les animaux, il les rend humain, les fait parler,…