Crise financiere et ifrs
Crise financière : faut-il brûler les normes IFRS ?
samedi 15 décembre 2007
par L’Afrique nouvelle génération
Le mieux est parfois l’ennemi du bien. Alors que l’industrie financière mondiale s’enfonce dans la crise, un procès commence à s’instruire dans la coulisse. Celui des nouvelles normes comptables, les IFRS, adoptées par l’Europe au 1 erjanvier 2005. Car s’il ne fait aucun doute queles turpitudes d’un certain nombre d’opérateurs de l’industrie de la finance, américains surtout, sont à l’origine de la tourmente, quelques patrons de grandes banques pointent du doigt les risques de contagion engendrés par le changement de référentiel comptable. Loin de donner une image fidèle de l’impact sur les comptes des établissements de crédit, de la crise née aux Etats-Unis de ladéconfiture du marché des prêts immobiliers à risques, l’utilisation des normes IFRS ajouterait à la confusion ambiante.
A première vue, l’accusation peut sembler injuste et ses procureurs apparaître comme des nostalgiques d’un ordre ancien, symbolisé en France par le sacro-saint mais désormais obsolète Plan comptable général. De fait, cette réforme, censée harmoniser les états financiers des 7.000entreprises cotées de l’Union européenne, avait un objectif louable : bâtir un esperanto comptable parlé par tous. Dans le détail, il s’agissait d’« améliorer la transparence et la comparabilité des états financiers élaborés par les sociétés cotées ; permettre la comparaison d’entreprises de différents pays ; faciliter la cotation boursière des entreprises ; obtenir et restaurer la confiance desinvestisseurs », rappelle Stéphan Brun, dans « L’essentiel des normes comptables internationales IAS/IFRS » (1).
Sur les trois premiers points, le succès n’est contesté par personne. La suppression de la plupart des subtilités comptables nationales, auxquelles se sont substituées les 2.000 pages des normes IFRS, vont dans le sens de l’histoire et de la globalisation des marchés. Sur le dernier, enrevanche, l’échec est patent. Six mois après le début de la tempête financière, la confiance des investisseurs est loin d’être restaurée. Pis, estiment nombre de banquiers, la crise a précisément été relancée par l’application de l’un des principes de base du changement de normes : la « fair value ».
Cette notion anglo-saxonne de « juste valeur » s’était imposée en octobre 2002, lorsque Américains etEuropéens décidèrent, à Norwalk, de faire converger leurs normes comptables. Cette convergence avait un prix. L’effacement de la tradition française du « coût historique » – c’est-à-dire l’inscription au bilan du prix d’un bien à sa date d’acquisition – au profit de la « fair value » – le même bien est inscrit au bilan à sa valeur du jour, de revente ou de remplacement. Et, de fait, la différenceest considérable, dont la trace se retrouve dans les profits ou les pertes des entreprises et, in fine, dans l’évolution de leurs fonds propres.
L’impact est particulièrement sensible pour les produits financiers, volatils par nature, puisque c’est leur valeur de marché, selon la règle du « marked to market » qui est retenue. Les thuriféraires de la « juste valeur » ne s’en inquiètent pas, àl’image de Thomas E. Jones, alors vice-président de l’IASB, le « Board » chargé de l’élaboration des nouvelles normes. « Est-il normal, s’interroge-t-il dans « Le Monde » du 31 octobre 2003, que les banques affichent des résultats stables alors qu’il y a tant de volatilité dans le marché ? » A ses yeux, poser la question, c’est y répondre. Dans un monde volatil, les résultats des établissementsfinanciers se doivent de l’être aussi.
A cet égard, les comptes trimestriels des grandes banques mondiales sont édifiants. L’application du « marked to market » a conduit à la dépréciation, depuis le début de la crise, de 40 milliards de dollars d’actifs dans les livres des banques occidentales. Et ce n’est pas terminé. Les analystes de Deutsche Bank attendent un montant au moins équivalent sur les…