Nedjma de kateb yacine
3aKateb Yacine est né en 1929 à Constantine, dans l’Est de l’Algérie. Son père avait une double culture, française et musulmane. Après l’école coranique, il entre à l’école et au lycée français. Il a participé, lorsqu’il avait 15 ans (1945) à Sétif à la grande manifestation des musulmans qui protestent contre la situation inégale qui leur est faite. Kateb est alors arrêté et emprisonné quatremois durant. Il ne peut reprendre ses études et se rend à Annaba, puis en France. De retour en Algérie, en 1948, il entre au quotidien Alger Républicain et y reste jusqu’en 1951. Il est alors docker, puis il revient en France où il exerce divers métiers, publie son premier roman et part à l’étranger (Italie, Tunisie, Belgique, Allemagne…). Ensuite, il poursuivra ses voyages avec les tournées de sesdifférents spectacles. Il est mort en 1989.
Bibliographie :
Nedjma, Edition du Seuil, Paris, 1956, Points roman, 1981.
Le cercle des représailles, Edition du Seuil, Paris, 1959.
Le Polygone étoilé, Edition du Seuil, Paris, 1966
L’homme aux sandales de caoutchouc, Edition du Seuil, Paris, 1970.
L’oeuvre en fragments, Edition Sindbad, 1986.
Théâtre en arabe dialectal algérien :
Mohammedprends ta valise, 1971.
Saout Ennisa, 1972.
La guerre de 2000 ans, 1974.
La Palestine trahie, 1972-1982.
http://www.radiofrance.fr/parvis/yacine.…
Nedjma – Kateb Yacine
Publiée en 1956, alors que l’Algérie est encore Française, cette histoire est le cri de tout un peuple. “J’ai écrit Nedma pour que les Français comprennent ce qu’était l’Algérie”.
Quatre amis sont obsédés par la même femmemariée. Les secrets et les mystères planent autour de chacun de ces personnages. Le plus terrible est celui qui entoure la jeune femme : fille illégitime d’une Française et d’un Algérien dont l’identité n’est pas clairement identifiée, Nedjma fut ensuite confiée à Lella Fatma. Tous ces destins tragiques vont se croiser et s’entremêler. Le problème de l’identité est une constante de ce roman:l’identité des personnages eux-mêmes, mais aussi celle d’une nation.
Le fait que Kateb Yacine ait choisi d’écrire son récit en français, marque bien la dualité de cette quête. Il n’y avait pas de tradition romanesque en Algérie avant l’arrivée des colons. Le français est donc la langue des histoires écrites. Mais en même temps, ce récit est on ne peut plus algérien : on retrouve dans la structure duroman, la tradition des récits en ellipses, “où chaque détours est un retour”. L’écriture est éclatée comme les sentiments ambigus que l’auteur éprouve pour la langue française : entre fascination et rejet. De ce fait, le lecteur ne peut être passif, et il est difficile de se laisser aller. Pourtant, ce serait une perte terrible que de ne pas faire cet effort de lecture, ce pas vers l’Autre, cetteacceptation de repères différents des nôtres, car ce texte est un très beau passage de littérature et de poésie.
Les allusions nombreuses à la condition des colons et des arabes sont introduites discrètement au cours de la narration. Comme dans beaucoup de romans issus de la colonisation, la question de la double identité est permanente. Nedjma, l’étoile, incarne tout à la fois l’être désiré etl’Algérie : elle est une vision fantasmatique de la patrie, elle aussi, voilée par la colonisation (donc les Français) comme la femme l’est par la tradition religieuse musulmane.
Un très beau texte pour découvrir l’Algérie au moment où celle-ci rêvait de prendre son indépendance.
Extrait
“Mustapha tourne le dos à Mourad, et s’assied sur un ponton… «Elle était revêtue d’une ample cagoule desoie bleu pâle, comme en portent depuis peu les Marocaines émancipées ; cagoules grotesques ; elles escamotent la poitrine, la taille, les hanches, tombent tout d’une pièce aux chevilles ; pour un peu, elles couvriraient les jambelets d’or massif (la cliente en portait un très fin et très lourd)… Ces cagoules dernier cri ne sont qu’un prétexte pour dégager le visage, en couvrant le corps…