Ecole des femmes
1662: L’année de l’Ecole des femmes
Molière a 40 ans . Il épouse cette année-là Armande Béjart, la fille de Madeleine Béjart. Ce mariage avec la fille de sa maîtresse, lui vaut d’être accusé de relations incestueuses avec cette personne qui pourrait être sa fille.
Il réussit son coup de maître en écrivant l’Ecole des femmes, la première des comédies de la maturité, en cinq actes et en vers.Cette pièce, qui soulève des questions importantes (l’institution du mariage et l’éducation des filles), tranche nettement avec les thèmes habituels de la farce ou de la comédie à l’italienne. Innovation littéraire en même temps que critique originale de la société du temps, elle irrite certains auteurs concurrents autant qu’elle choque les tenants de la morale traditionnelle.
L’Ecole desfemmes connaît un énorme succès, et vaudra à Molière une longue polémique. Cette querelle occupera toute l’actualité littéraire de l’année 1663, avec ses pamphlets, ses textes satiriques et ses quolibets.
La solitude d’Arnolphe
Entre comédie et tragédie, L’École des femmes reprend le thème classique du conflit entre l’âge de raison et l’âge rebelle à la raison. Mais Molière va plus loin qu’iln’est jamais allé. Dans la relation d’Arnolphe, qui veut arrêter à sa porte le mouvement du monde, et d’Agnès, mise à l’écart pour être modelée à huis-clos, il y a des éléments de mythologie : la naissance d’une femme, un conte à la Pygmalion, la lutte personnelle d’un homme avec un destin inéluctable. Arnolphe veut fabriquer un être à sa mesure. En scène pendant trente et une scènes (surtrente-deux), il mène son combat en multipliant les gestes propitiatoires. Il y a un défi en lui, mais c’est un défi de démiurge bourgeois, aspiré par le conservatisme, hanté par un rêve enfantin et destructeur.
Autour de lui, un groupe de gens qui n’est pas encore la famille constituée des pièces à venir fait résistance à cette tyrannie obsessionnelle. Il tente de révéler au tyran combien il est dansl’erreur, combien il est ridicule, combien il est cruel, combien il se trompe dans sa vision du monde. Mais Arnolphe ne les entend pas, ne les voit pas. Il échouera face à Agnès, une jeune fille autodidacte qui a en elle la grande force de la naïveté. Arnolphe est seul. Il est l’homme d’un projet solitaire.
Peut-être faut-il lire aujourd’hui L’École d’Arnolphe tout autant que L’École desfemmes, il se pense le maître du jeu alors qu’il a toujours cinq actes de retard sur les autres personnages. Mais c’est lui le cœur de la pièce. Obsessionnel et malheureux. Odieux et poignant. Monstrueux et humain. Pensif et pensant. Une conscience isolée que le spectacle, en créant une relation intime au sein d’un immense espace mythique, va rapprocher du double millier de consciences réunies chaquesoir dans la Cour d’honneur.
Arnolphe, en même temps que la pièce, passe son temps à frôler le tragique. La représentation pourra se situer dans cette incertitude des genres, en se souvenant que Molière, créateur du rôle, venait de découvrir qu’il ne serait jamais accepté comme tragédien et que, s’il entendait dire des choses terribles sur l’humanité, il ne pourrait le faire qu’en faisant rire.Didier Bezace est l’un des metteurs en scène les plus fidèles au festival d’Avignon. Ses plus récents spectacles étaient le cycle C’est pas facile construit avec des textes de Bove, Brecht et Tabucchi et la pièce de Hristo Boytchev, Le Colonel-oiseau. Son optique est celle d’un théâtre populaire d’aujourd’hui, où le public vient retrouver les valeurs auxquelles il est attaché. Quelle histoired’aujourd’hui peut-on et veut-on raconter avec un grand classique ? Le cheminement d’Arnolphe et l’infinie exposition de son obsession trouvent leur traduction scénique dans la collaboration entre Didier Bezace et Pierre Arditi. Un grand acteur éclaire une œuvre d’un jour nouveau. Leur recherche commune fait vibrer, d’une moderne sensibilité, la solitude d’Arnolphe, seul contre tous au pied de la…