Dissertation sur l’autobiographie-sujet genet
Dissertation sur l’Autobiographie
Grandes questions : Comment la citation s’inscrit dans une dynamique autobiographique tout en réfutant certains usages, à définir, du genre autobiographique? quel «pacte » propose-t-elle, avant la lettre? Comment remet-elle en question les approches formalistes de l’autobiographie en s’ouvrant potentiellement à d’autres disciplines culturelles (esthétique,psychanalyse)? Il s’agit de comprendre des expressions dont le sens n’est pas à l’avance garanti, ne relève pas de l’évidence, mais d’une pensée et d’une position d’auteur à élucider afin de pouvoir la cautionner ou la contester, en saisir la singularité ou la rattacher à quelque tradition influente : « Œuvre d’art », « matière prétexte », “renseigner”, « présent fixé à l’aide du passé », «interprétation que j’en tire ». Effets de symétrie et d’antithèse par lesquels Genet ordonne de façon spécifique, et peut-être systématise de façon artificielle, sa pensée: “qui je fus”/“qui je suis”, “présent”/passé”, “faits”/“interprétation”. Jean Genet publie Journal du voleur en 1949. Dans la citation qui en est extraite, il expose un projet d’ordre autobiographique tout en désavouant une certainepratique autobiographique. S’il tente de s’en démarquer, Genet contribue toutefois à la définir : Il s’agira d’identifier le modèle visé et l’alternative proposée en s’appuyant sur de multiples cas d’écritures autobiographiques. On rapprochera la citation de deux autres passages du même ouvrage : « (…) que ma vie doit être légende c’est-à-dire lisible et sa lecture donner naissance à quelque émotionnouvelle que je nomme poésie. Je ne suis plus rien, qu’un prétexte. » (Page 133) « Ce qui, m’étant un enseignement, me guidera, ce n’est pas ce que j’ai vécu mais le ton sur lequel je le rapporte. Non les anecdotes mais l’œuvre d’art. Non ma vie mais son interprétation. C’est ce que m’offre le langage pour l’évoquer, pour parler d’elle, la traduire. Réussir ma légende. » (Page 233) Le titre del’œuvre est à l’image de ce jeu. Il inclut un double effet de trompe-l’œil : -la référence au journal, d’une part : elle constitue un faux. Le livre n’obéit pas à une logique diariste, mais forme un mixte de narration et de commentaires rétrospectivement effectués par l’écrivain. Celui-ci évoque son passé de marginal dans l’Europe des années 1937-1938 en estompant toute référence biographique précise(chronologie psychologie, événementialité). -la proximité avec le genre romanesque, d’autre part : l’un de ses subterfuges est d’assimiler à des fins de fiction des catégories génériques étrangères (cf. Journal d’une femme de chambre de Mirbeau). Par ailleurs, le titre affiche sa volonté de figurer un personnage-type (le voleur) plutôt qu’une personne singulière (un voleur) qui lui confère d’embléeune dimension légendaire.
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Historique : La position culturelle de l’autobiographie – sa reconnaissance, son statut – ne cesse de fluctuer. Sa qualité de prose non fictionnelle semble la vouer à un statut littéraire conditionnel (cf. Gérard Genette, Fiction et diction, Seuil, 1982) : la définition de certaines pratiques comme littéraires ne va pas de droit, mais varie d’une époque à l’autre.Cet état de fait peut expliquer en partie l’attitude de Genet, qui réfute les principes de l’autobiographie au nom de la valeur artistique du livre qu’il compose: il s’agit d’assurer la littérarité de son œuvre, à l’encontre d’une opinion qui rejette volontiers les récits de soi hors de la sphère littéraire (et, pour ce qui le concerne, d’assurer son entrée en littérature par la grande porte -l’art – depuis la petite – la prison). Le genre autobiographique se développe, et le mot “autobiographie” se diffuse, depuis le début du XIXème siècle dans les principales langues et littératures européennes, ce qui correspond à l’apparition d’une première vague de récits suscités par le succès des Confessions de Rousseau. Si Rousseau affirme le caractère unique de sa tentative, il n’en…