Fin de partie – le corps souffrant
Introduction
– Le corps est une donnée essentielle de la condition humaine, pourtant longtemps délaissé par la littérature.
– Au théâtre, le corps est l’incarnation du personnage : le corps est donc valorisé par ce genre littéraire.
– Tous les corps dans Fin de partie sont des corps souffrants d’infirmités diverses : ce sont ces infirmités qui sont exhibés autant que les corps eux-mêmes.- Ces infirmités pèsent lourds dans la pièce elle-même et, par ailleurs, elles expriment de manières diverses la condition humaine.
I) Le poids des infirmités
A) Un corps atrophié
– Il est difficile de se mouvoir et les sens sont diminués : ce sont les caractéristiques essentielles de l’infirmité, qu’on retrouve dans la pièce.
– Nagg et Nell (les parents) vivent sur leurs moignons,ne peuvent ni s’embrasser, ni se gratter, ni manger facilement (cf. dent perdue) ; ils se voient mal et ils s’entendent mal.
– Hamm est paralysé, aveugle ainsi que d’autres maux sans doute (le mouchoir tâché de sang, le fait de saigner) ; il a besoin de calmants et de remontants.
– Clov est le seul valide qui peut encore « marcher » mais il ne peut pas s’asseoir, ses yeux vont mal et il ades visions.
– Ce corps qui va mal rend la réflexion difficile : « J’ai mal aux jambes, c’est pas croyable. Je ne pourrai bientôt plus penser. » (Clov).
B) Une obsession aliénante
– Le corps sain est assez transparent, on le remarque peu sur scène ; au contraire, le corps infirme rend le corps plus visible, lui donne une position scénique plus intense.
– Par ailleurs, on ne parleque du corps dans la pièce, non seulement dans les répliques mais aussi dans les didascalies (cf. notamment les déplacements du corps).
– Le corps semble imposer ses exigences et les personnages lui sont aliénés ; ces personnages d’ailleurs semblent porter tout le poids de leur vie passée dans l’état de leur corps.
– Ces infirmités représentées disent également le temps qui vient, qui resteet on voit dans Hamm la projection future de Clov.
– Les handicaps évoqués peuvent avoir une portée symbolique assez forte, notamment la cécité : Hamm ne peut plus voir le monde extérieur… mais il n’y a plus rien à voir. Le regard d’autrui est ce qui fait exister l’autre : Hamm existe seulement parce qu’il est vu par Clov et il éprouve le besoin d’être vu par le chien. De même, il a besoin desoreilles d’un public.
– Le corps et les sens enlèvent toute liberté aux individus, ce qui souligne avec force leur caractère organique. Ces besoins élémentaires (se nourrir, urine, voire la satisfaction d’autres désirs) sont en quelque sorte une redéfinition de l’être humain débarrassé de tout romantisme.
II) Expressions de la condition humaine
A) Proximité de la souffrance
– Lanotion de souffrance permet cependant d’entretenir d’autres relations que l’aliénation.
– En effet, les souffrances rapprochent et conduisent à des réactions plus humaines : Hamm s’inquiète de la santé de Clov à deux reprises ; et l’inverse est vrai ; les parents s’interrogent sur la santé de l’autre.
– Les personnages se plaignent peu de leur état, hormis peut-être Clov qui est pourtant lemieux portant.
– On a donc une inversion des réactions habituelles face à un mauvais état de santé : on se plaint peu et on plaint peu l’autre ; il n’y a pas de place possible pour le pathétique avec l’assentiment des personnages eux-mêmes : « Hamm – … Mais réfléchissez, réfléchissez, vous êtes sur Terre, c’est sans remède ! » (page 89).
– La souffrance traduit la réalité de la vie et duvieillissement : elle n’est pas entièrement négative car elle manifeste que ce n’est pas fini.
B) Une dégradation naturelle en commun
– La pièce nous donne à voir une humanité diminué, en parallèle avec la disparition de la nature.
– La pièce veut manifester de façon sensible une évolution tout en maintenant quelques petites lueurs d’espoir. Hamm n’hésite pas à contredire Clov quand il…