Commentaire : cass. com. 9 juillet 1996
Quentin Dodane
Droit des contrats spéciaux
Séance 6 : La stipulation d’intérêt dans le prêt d’argent
Commentaire : Cass. Com. 9 juillet 1996
Si les règles concernant le prêt d’argent ont longtemps encouragé la gratuité, l’homme a toujours su les contourner pour permettre le prêt à intérêt, qui a ainsi été pratiqué en tous lieux et à toutes époques. Et si le législateur a aujourd’huiencadré la question des intérêts, la détermination de leur taux pose encore parfois des difficultés. C’est le cas le 9 juillet 1996 devant la chambre commerciale de la cour de cassation, avec le problème de l’applicabilité du taux d’intérêt bancaire.
En l’espèce, Monsieur X a conclu une convention d’ouverture de compte-courant avec le Crédit Commercial de France (CCF), qui lui a consenti uneautorisation d’utilisation de crédit. Lorsque le Crédit Commercial de France assigne Monsieur X en paiement, il sollicite une mesure d’instruction pour recalculer les intérêts sur la base du taux légal, estimant le taux de base de la banque inapplicable.
Monsieur X, voyant sa demande rejetée en première instance, interjette appel de la décision devant la cour de Versailles. Cette dernière rejettesa demande le 18 juin 1993, aux motifs que le taux de l’intérêt convenu pouvait varier en fonction de l’évolution du taux de base du CCF, et que Monsieur X avait nécessairement accepté ces conditions en ne manifestant aucune contestation à la réception des relevés périodiques d’opération envoyés par la banque.
La cour de cassation doit donc s’intéresser au problème de droit suivant : le tauxd’intérêt applicable à un prêt d’argent par une banque peut-il être calculé en fonction du taux de base de la banque sans formalisme particulier ?
La chambre commerciale de la cour de cassation, le 9 juillet 1996, répond par la négative. Si elle admet dans un premier temps que le taux de base bancaire est applicable (I.), elle précise l’exigence d’un formalisme accompagnant la fixation du tauxvariable (II.).
I. L’acceptation nouvelle du taux de base bancaire
Pour faire en sorte que l’emprunteur ne soit pas à la merci du prêteur, le taux d’intérêt appliqué au prêt doit être déterminé ou déterminable lors de la conclusion du contrat, et l’exigence a donc longtemps exclu que le contrat fasse référence au taux de base pratiqué par la banque, qui est variable. En acceptant le taux debase bancaire, la cour de cassation prend donc une décision favorable aux banques (A/). Elle fonde sa décision sur l’analogie entre intérêt assorti au prêt et prix (B/).
A/ Un revirement favorable aux institutions bancaires
Le taux de base bancaire est un usage qui s’est dégagé de la pratique des banques sans qu’aucune loi ni règlement ne le définisse. Son principe est que chaque banque fixeun taux minimum qu’elle entend retenir pour toutes ses opérations. Tout son intérêt réside dans le fait qu’il est choisit librement par chaque banque, et qu’il peut donc varier, évoluer en fonction du contexte économique, et épouser la courbe des variations imprévisibles du marché monétaire. Bien En acceptant que le taux de base bancaire, la cour de cassation permet aux banques de s’engager avecmoins d’hésitations envers les clients, puisque ces dernières pourront bénéficier d’un dispositif plus souple. Plus souple que l’intérêt légal fixé par décret chaque année en application de la loi du 11 juillet 1975.
{text:soft-page-break} Avant le 1er décembre 1995 et le revirement de jurisprudence concernant la détermination du prix, la jurisprudence avait pourtant refusé l’application de cetaux d’intérêt bancaire. Ce taux variable introduit inévitablement un surcroît d’imprévisibilité pour le client, et peut donc sembler dangereux.
Il est alors intéressant d’étudier la façon dont la Cour de cassation motive son arrêt en se fondant sur l’ « inapplicabilité » de l’article 1129 du code civil à la détermination du prix.
B/ Un revirement fondé sur l’analogie entre intérêt et prix…