Huis clos, acte 3
Scène III (Garcin, Inès, le garçon)
Le garçon à Garcin.
-Vous m’avez appelé ? (Garcin va pour répondre, mais il jette un coup d’œil à Inès)
Le garçon, (se tournant vers Inès.)
-Vous êtes chezvous, madame. (Silence d’Inès.) Si vous avez des questions à me poser … (Inès se tait.)
Le garçon, (déçu.)
-D’ordinaire les clients aiment à se renseigner … Je n’insiste pas.D’ailleurs, pour la brosseà dents, la sonnette et le bronze de Barbedienne, monsieur est au courant et il vous répondra aussi bien que moi. (Il sort. Un silence. Garcin ne regarde pas Inès. Inès regarde autour d’elle, puis ellese dirige brusquement vers Garcin.)
Inès
-Où est Florence ? (Silence de Garcin.) Je vous demande où est Florence ?
Garcin
-Je n’en sais rien.
Inès
-C’est tout ce que vous avez trouvé ? Latorture par l’absence ? Eh bien, c’est manqué. Florence était une petite sotte et je ne la regrette pas.
Garcin
-Je vous demande pardon : pour qui me prenez-vous ?
Inès
-Vous ? Vous êtes le bourreau.Garcin, (sursaute et puis se met à rire.)
-C’est une méprise tout à fait amusante. Le bourreau, vraiment ? Vous êtes entrée, vous m’avez regardé et vous avez pensé : C’est le bourreau. Quelleextravagance ! Le garçon est ridicule, il aurait dû nous présenter l’un à l’autre. Le bourreau ! Je suis Joseph Garcin, publiciste et homme de lettres. La vérité, c’est que nous sommes logés à la memeenseigne. Madame…
Inès, (sèchement.)
-Inès Serrano. Mademoiselle.
Garcin
-Très bien. Parfait. Eh bien, la glace est rompue. Ainsi vous me trouvez la mine d’un bourreau ? Et à quoi les reconnaît-on lesbourreaux, s’il vous plaît ?
Inès
-Ils ont l’air d’avoir peur.
Garcin
Peur ? C’est trop drôle. Et de qui ? De leurs victimes ?
Allez ! Je sais ce que je dis. Je me suis regardée dans la glace.Garcin
-Dans la glace ? (il regarde autour de lui.) C’est assommant: ils ont ôté tout ce qui pouvait ressembler à une glace. (Un temps.) En tout cas, je puis vous affirmer que je n’ai pas peur. Je…