A toi pour toujours
Une famille recroquevillée sur elle-même, formée de Léopold, le père, alcoolique, sans coeur, dominant sa femme et ses filles, de Marie-Louise, la mère, qui a décidé unefois pour toutes qu’elle était une victime, se spécialisant dans « les yeux dans la graisse de binne » et les deux filles, Carmen et Manon. Les parents se déchirent, selancent leurs inepties au visage : les filles muettes, reçoivent les stigmates de ces jours et de ces nuits sans amour. Jusqu’à ce que les deux parents meurent, ensemble,dans un accident.
Dix ans plus tard, elles se souviennent. Manon n’est plus qu’une ombre recluse, elle n’a pas bougé depuis le décès des parents. Sa soeur la traitede bonne soeur. Il faut dire qu’avec un chapelet aussi évident… Carmen, elle, est devenue chanteuse western, elle chante au public les mêmes sempiternelles chansonsdans tous les bars miteux de la Main. Elle prétend qu’elle est heureuse : elle s’est sûrement plus réalisée que sa soeur. En dix ans, elle a évolué. Nous sentons parfoisque ce sort qu’elle prétend trouver beau est lourd à porter, demeure aliénant. Mais Carmen cherche désespérément des solutions aux questionnements qui la tarabustent. Quesa soeur la traite de « Putain sur la rue St-Laurent » n’y change rien. Carmen est en mouvement, Manon est pétrifiée, prise au rêts du passé.
Cette pièce a valeur desymbole. Devant une société en constant changement, deux attitudes prévalent généralement : se fermer, s’isoler, refuser d’évoluer ou encore plonger, au risque de perdreson identité, mais en courant également la chance de la voir survivre, transmutée, mais bien vivante. À l’aube de l’an deux mille, c’est une leçon qui vaut encore.