Les arrêts lagrand et avena remettent-ils en question la théorie traditionnelle de la protection diplomatique ?
Exposé : Les arrêts LaGrand et Avena remettent-ils en question la théorie traditionnelle de la protection diplomatique ?
Au fondement de la responsabilité de l’Etat en DIP, il y a un fait internationalement illicite (art. 1er du projet d’article sur la responsabilité de l’Etat, résolution 56/83de l’AG des NU, 2001). Ce fait internationalement illicite est bien souvent à l’origine d’un dommagepour l’Etat, d’un préjudice, qui peut être simplement juridique mais également matériel. Le mécanisme de la protection diplomatique, à ce titre, est un moyen de mise en œuvre de la responsabilité internationale.
I) La Définition et la théorie traditionnelle de la protection diplomatique en DIP : origine et conditions de mise en œuvre d’un « droit propre » de l’Etat.
Origine de la protectiondiplomatique : C’est Vattel qui, le premier, a conceptualisé et précisé le régime de la protection diplomatique. Le postulat de départ de cette théorie est simple : un dommage subi par le ressortissant d’un Etat (personne privée, physique ou morale) pourra être perçu par l’Etat national de cette personne comme immédiatement subi par lui-même. Par un effet « d’endossement » l’Etat en question pourraalors demander réparation de ce préjudice subi indirectement (on parle de dommage « médiat »), la personne privée étant alors totalement exclue de la procédure (novation du litige). Les personnes privées sont en effet incapables juridiquement d’obtenir réparation dans l’ordre international car elles n’en sont pas les sujets. La protection diplomatique tend donc à pallier l’absence de personnalitéjuridique de l’individu en droit international. Cette construction juridique est un « principe élémentaire » du droit international qui trouve son origine dans l’arrêt Concessions Mavrommatis en Palestine, CIJ, 1924 :
« En prenant fait et cause pour l’un des siens, en mettant en mouvement, en sa faveur, l’action diplomatique ou l’action judiciaire internationale, cet Etat fait, à vrai dire,valoir son droit propre, le droit qu’il a de faire respecter en la personne des ressortissants, le droit international ».
Il résulte de ce qui vient d’être dit (un droit propre) que la mise en œuvre de ce mécanisme est entièrement laissé à la discrétion de l’Etat (arrêt de la CIJ Barcelona Traction, 1970). L’action en protection diplomatique répond alors bien souvent à une question d’opportunitépolitique. Discrétion de l’Etat également en ce qui concerne les moyens de règlement du différend (mais non reconnaissance en JP des clauses Calvo, de renonciation à la protection diplomatique, car il s’agit d’un droit indisponible).
Conditions d’exercice de la protection diplomatique : Outre la violation du droit international par l’Etat hôte, qui est le fait générateur, les conditions d’exercicede la protection diplomatiques, codifiées dans le projet d’article de la CDI sur la protection diplomatique de 2006, sont au nombre de 2 :
– Qualité pour agir : La personne au profit de laquelle la protection est exercée doit avoir la nationalité de l’Etat protecteur (au moment du dommage et de l’introduction de la requête par l’Etat protecteur au plan international – caractère continu de lanationalité : cf projet d’article CDI 2006 art. 5), et cette nationalité doit être opposable bien que dépendant du droit interne des Etats (affirmé de manière catégorique en 1929 avec l’arrêt des Chemins de fer Panevezys-Saldutiskis ; puis la CIJ a clarifié cette exigence en évoquant la nécessité d’un lien effectif et multidimensionnel entre ressortissant et Etat protecteur, arrêt Nottebohm, 1955 –elle a par la suite apporté des précisions en matière de nationalité des personnes morales là encore dans Barcelona Traction, 1970). Le projet d’article de la CDI reprend cette exigence à son article 3.
– Elle doit également avoir épuisé les recours disponibles- gracieux et contentieux- dans le droit de l’Etat responsable du dommage. (condition dont le caractère fondamental a été réaffirmé…