L’agression
L’agression
L’agression est une notion qui est à l’ordre du jour des organisations internationales depuis de nombreuses décennies. Déjà la SDN tentait d’en définir les contours dans des débats houleux de 1923, débats abandonnés dès que les relations internationales devenaient plus tendues. Repris par les Nations Unies, le débat s’est poursuivi jusque dans les années 1970, décennie aucours de laquelle l’ensemble des Etats de la Communauté internationale sont parvenus, à l’unanimité, à l’adoption d’une résolution définissant l’agression, à la faveur de la détente.
Si la notion est aussi controversée c’est qu’elle est liée au problème fondamental du recours à la force dans la société internationale, recours prohibé par la charte des NU. En effet, la notion juridique del’agression est née avec les mécanismes de sécurité collective mis en place par la Charte. La guerre ne pourra plus se définir que comme
– une agression illicite originaire
– une réaction naturelle de légitime défense et enfin,
– une opération de coercition engagée contre l’agresseur par l’organisme international garant de la sécurité collective.
Dans ces conditions,définir l’agression est crucial : c’est parce qu’une agression est identifiée qu’un régime préventif et répressif va s’enclencher, manifestation de la société internationale décentralisée.
Définir l’agression semble simple, en théorie. Pourtant, en 1945, on laisse au CSNU le soin « d’apprécier ce qui constitue un acte d’agression », aucune définition n’étant incorporée dans le texte dela Charte.
En fait la Charte ne donne que très peu d’indications. Elle affirme dans son article 1er que son but essentiel est de « réprimer tout acte d’agression ou de rupture de la paix », et impose aux Etats de renoncer à « recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat ».
Les moyens de mettre en œuvreces principes sont exposés dans le célèbre Chp VII. De la Charte, intitulé « Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression ». Le CSNU est par principe le seul autorisé à recourir à la force en cas de constatation de menace à la paix, de rupture de la paix, ou d’agression.
Ceci laisse entendre qu’il existe certains types de recours illicites à la forcequi ne sont pas constitutifs d’une agression, ce que l’on retrouvera plus tard dans la pratique du Conseil ou dans la jurisprudence de la CIJ, à l’image de la solution retenue par la Cour dans l’affaire des activités militaires ou paramilitaires au Nicaragua. Les degrés de gravité retenus par la Charte dans le recours à la force et les différences apparentes de nature dans ces recours rendent enréalité très ardue la tâche de délimiter les contours de celle-ci.
Si toute agression est une rupture de la paix, toute rupture de la paix n’est pas constitutive d’une agression… On peut tout de même affirmer que la Charte semble introduire une échelle dans la gravité du recours à la force : on passe de la menace, à la rupture, puis à l’agression, qui doit nécessairement comporter un élément degravité exceptionnel.
Cet élément de gravité constitutif de l’agression trouve sa première expression dans l’art 6a du statut du Tribunal de Nuremberg, qui envisage celle-ci comme un « crime contre la paix internationale ». Comme tel, elle engage la responsabilité pénale individuelle de celui qui en est l’auteur. A la différence de l’agression, la constatation d’une menace à la paix oud’une rupture de la paix n’entraîne pas la condamnation au plan individuel des responsables désignés.
En tous cas la constatation d’une agression est si délicate que jusqu’en 1974 seule l’AGNU s’était risquée à qualifier la Chine d’agresseur dans le contexte de la guerre de Corée, en 1951[1]. Pourquoi le CSNU n’avait jusqu’alors jamais constaté d’agression ?
Raisons politiques,…