Liberté d’expression
L’affaire Lmrabet, un cas de conscience pour la profession
Faut-il pendre Ali Lmrabet ?
Que faut-il faire? Le défendre envers et contre tout, au nom du principe de solidarité corporatiste et d’une certaine idée de la liberté de presse? Ou se retrancher derrière un silence assourdissant, comme si l’on n’était pas concerné?
Mohamed Selhami
• Ali Lmrabet. “Si ça peut vous rassurer, jene suis pas républicain”.
“Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je risquerais ma vie pour que vous puissiez vous exprimer », a dit un grand défenseur de la liberté d’opinion. On n’ira pas jusque là, non pas que Ali Lmrabet, directeur des magazines “Demain” et “Doumane”, ne le mérite pas –car c’est de lui qu’il s’agit- mais parce que dans son affaire personne ne risque sa vie. Le Marocn’est quand même plus à ce stade où l’on met son existence physique dans une balance judiciaire inquisitoire pour un commentaire de presse jugé délictueux. Il y a, évidemment, d’autres méthodes, plus soft, mais autrement plus “dissuasives », qui peuvent vous faire regretter d’avoir choisi le métier de journaliste.
Ali Lmrabet est objectivement dans ce cas. Il le dit, le clame, au point d’en fairele plat de résistance de ses derniers numéros. Il se pose en victime d’une cabale sécuritaire. En gros, il nous dit qu’on veut le faire taire, en faisant disparaître ses publications. Son message répétitif est bien reçu.
Conflit
Un message à la fois de défi lancé à la face de ses “persécuteurs patentés” et de SOS, de fait, adressé à une corporation journalistique prise de court, et parfoisprise de haut. Que l’on soit un peu, pas du tout ou totalement d’accord avec Ali Lmrabet, il y a bel et bien conflit grave en la demeure. Tous les faiseurs d’information répercutée, tous supports confondus, sont interpellés par ce qu’il faut bien appeler “le cas Lmrabet”. Car c’en est un, lui-même l’assume volontiers et, apparemment, jusqu’au bout.
Il n’en reste pas moins que “le cas Lmrabet” poseun cas de conscience pour la profession. Que faut-il faire? Le défendre envers et contre tout, au nom du principe de solidarité corporatiste et d’une certaine idée de la liberté de presse? Ou se retrancher derrière un silence assourdissant, comme si l’on n’était pas concerné? Une sorte de position esthétique qui n’est pas très honorable. Bien que la solution médiane soit généralement suspectéed’être mollassonne; il n’empêche. Dans ce cas d’espèce, le mieux c’est de ne pas se désolidariser de Ali Lmrabet tout en lui disant ce que l’on peut penser de sa conception de la presse, de son traitement de l’information, de ses a priori politiques, de ses prises de positions et de la configuration graphique de ses publications.
Les magazines “Demain » et “Doumane » se vendent bien, mais à quel »prix », en terme de devoir d’informer et de liberté de commenter? C’est tout le problème, car problème il y a, bien au-delà d’une justice qui s’en mêle. Il y a deux volets dans le package livré par Lmrabet chaque vendredi: le dessin et le rédactionnel.
Les dessins insérés dans “Demain » et “Doumane » ont pris tellement d’espace qu’ils constituent sinon l’essentiel du contenu, du moins l’argument de venteprimordial.
Ils sont, évidemment, accompagnés d’un commentaire du même tonneau. Ces dessins sont difficilement classifiables dans la typologie de l’expression graphique. Ce sont généralement plus des photo-montages que des caricatures. Ces photo-montages représentent des personnes publiques, de préférence politiques, dans des postures peu amènes.
Négativisme
Un Abbas El Fassi, par exemple, enchikha, avec Kaftan et rouge à lèvre criard. Un collègue journaliste en chien et un Abderrhamne Youssoufi en Youssoufan pas-d’âne. etc. Cela relève de la raillerie et de la satire sarcastique que Ali Lmrabet revendique comme partie intégrante du journalisme. Ce qui n’engage que lui.
Que les choses soient bien claires, M. Lmrabet est grand et vacciné; il a suffisamment de vécu politique et…