Rwanda et littérature

janvier 8, 2019 Non Par admin

Tierno Monénembo, L’aîné des orphelins, Seuil, Points, 2000.

En 1998, l’écrivain tchadien Noccky Djedanoum initia le projet « Rwanda : écrire par devoir de mémoire », qui permit à dix écrivainsafricains de séjourner à Kigali et plus tard d’écrire un témoignage. Parmi les livres issus de ce projet et parus dans les années 2000, L’aîné des orphelins de Tierno Monenembo se présente sous lestraits d’une fiction. Une note liminaire l’affirme clairement : « Si le génocide rwandais est irréfutable, les situations et les personnages de ce roman sont, eux, fictifs pour la plupart ».

Le hérosnarrateur, prénommé Faustin, est un adolescent de 15 ans dont on apprend dès la deuxième page du roman qu’il attend la mort dans la prison centrale de Kigali. Sur le mode rétrospectif et de manière nonchronologique, il raconte sa vie .

Le choix d’une telle discontinuité narrative permet d’une part de faire surgir tout au long du récit des mystères (pourquoi Faustin est-il condamné à mort, oùse trouvent ses parents, qu’est-il arrivé à ses sœurs et à son frère), qui imposent au lecteur une lecture active, sous peine d’être désorienté. Effets d’attente (le mystère familial n’est levé quedans les dernières pages) et frustration interprétative (on ne saura jamais ce qui est arrivé durant le génocide aux sœurs et au frère de Faustin) se conjuguent pour créer dans l’esprit du lecteur unsentiment d’inconfort qui le place, face à un récit troué et décousu, dans une situation semblable à celle du personnage face au chaos du monde.

D’autre part, un tel choix permet de mettre en scèneen creux le traumatisme vécu par Faustin, qui semble avoir refoulé les événements violents vécus lors du génocide. Ce n’est qu’au terme d’un cheminement douloureux et sinueux dans les méandres de sonpassé tragique, qu’il parvient à se souvenir de la scène tragique qui se trouve à l’origine de ses malheurs, et à la raconter, dans les dernières pages du récit.

Un mot sur le style du récit : le…