Droit concurrence – commentaire d’arrêt : « adp »

janvier 8, 2019 Non Par admin

Dans un arrêt du […], la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a eu l’occasion de se prononcer sur l’applicabilité des règles de concurrence à une entité exerçant des activités de puissance publique.
En l’espèce, ADP était un établissement public (transformé en SA par la loi du 20 avril 2005) chargé, en vertu du Code français de l’aviation civile, d’aménager, d’exploiter et dedévelopper les installations aéroportuaires en région parisienne. A ce titre, ADP signe une convention de concession avec une entreprise, AFS, selon laquelle AFS est autorisée à assurer des services de commissariat aérien à Orly et à occuper certains bâtiments situés dans le périmètre de l’aéroport. Constatant une discrimination dans le tarif des redevances commerciales demandées par ADP pour l’accès àl’installation et à la fourniture de services, AFS porte plainte devant la Commission pour infraction à l’article 82 CE (abus de position dominante). La Commission ayant accueilli la plainte et enjoint ADP de cesser immédiatement l’infraction, ADP saisit le TPICE aux fins de faire annuler la décision de la Commission. Le TPICE ayant débouté ADP de sa demande, ADP se pourvoit devant la CJCE. SelonADP, l’administration du domaine public comporte l’exercice de prérogatives de puissance publique et ne serait donc pas soumise aux règles de concurrence énoncées dans le Traité CE.
Plusieurs problèmes de droit, qui sont liés, s’élèvent devant la Cour et concernent la question de la qualification d’entreprise au sens du droit de la concurrence nécessaire à l’application des règles du Droit desabus de position dominante.
La Cour va retenir que les activités de gestion d’infrastructures aéroportuaires constituent des activités économiques, permettant de qualifier ADP d’entreprise et donc de rendre cet établissement comptable des règles de concurrence, et ce, bien qu’il dispose de prérogatives de puissance publique (normalement non soumises au droit communautaire de la concurrence selonl’arrêt CJCE, Eurocontrol, ou SAT de 1994).
La justification de la Cour tient en ce que les activités en cause sont détachables de l’exercice de prérogatives de puissance publique (I). Elle traite ensuite de l’analyse de certains indices complémentaires qui ont pu justifier également l’application du droit européen de la concurrence (II).

I Les activités de gestion et d’exploitationaéroportuaires : des activités économiques détachables de l’exercice de prérogatives de puissance publique
Si la décision d’espèce semble en contradiction apparente avec la jurisprudence antérieure (A), elle procède en fait à une dissociation entre les activités purement administratives et les activités économiques au sein d’une même entité (B).

A/ Une décision en contradiction apparente avec lajurisprudence antérieure

D’après ADP, les activités en cause concernent l’administration du domaine public. Or, cette dernière comporte l’exercice de prérogatives de puissance publique. ADP ne pourrait donc pas être qualifié d’entreprise au sens de l’article 82 CE. ADP se fonde, pour étayer cet argument, sur la jurisprudence Bodson de 1988 selon laquelle « ne sont pas des entreprises lespersonnes publiques dont les activités dépendent de l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique ». Ainsi, dans l’arrêt Eurocontrol de 1994, la Cour estimait, après avoir analysé l’objet et le régime juridique des activités de l’organisation internationale que « les activités d’Eurocontrol, par leur nature, par leur objet et par les règles auxquelles elles sont soumises, se rattachent àl’exercice de prérogatives, relatives au contrôle et à la police de l’espace aérien, qui sont typiquement des prérogatives de puissance publique ». Elle en concluait que son activité ne pouvait être économique et échappait donc à l’application du droit communautaire de la concurrence. L’arrêt d’espèce peut sembler, a priori, rompre ou du moins, tempérer ce mouvement jurisprudentiel. Pourtant, c’est…