La demande d’emploi

janvier 8, 2019 Non Par admin

Michel Vinaver, La Demande d’emploi

Le montage dans la langue : analyse des trois premiers
et des trois derniers morceaux de la pièce. EXPOSE

Pour ma part, il m’a été demandé de vous parler de la pièce La Demande d’emploi de Michel Vinaver. Et, plus particulièrement, du montage dans la langue dans les trois premiers et les trois derniers morceaux.
Pour ce faire, je vais procéder en deuxtemps. Je vais commencer par vous parler du montage dans la langue dans l’ensemble de la pièce, pour, ensuite en venir aux six morceaux choisis.
Si je commence par vous parler de procédés qui touchent à l’ensemble de la pièce, c’est parce que ces procédés se retrouvent aussi dans les six morceaux à analyser et que je ne peux pas analyser ces morceaux avec vous, sans vous avoir parlé de cesprocédés globaux, que le lecteur découvre d’ailleurs dès le premier morceau de la pièce.

J’ai donc relevé quatre procédés qui participent au montage dans la langue dans La Demande d’emploi et dont je voudrais vous parler. Il s’agit de l’absence de ponctuation et d’indications scéniques, de la fragmentation du discours, de la répétition-variation et de la recherche de la musicalité.

– L’absence deponctuation et d’indications scéniques
Je commence donc par vous parler de l’absence de ponctuation et d’indications scéniques, un procédé aisément repérable.
A la question du pourquoi cette absence de ponctuation, Vinaver répond ceci :

Pourquoi l’absence de ponctuation ?
Parce que les gens se parlent dans un jet fluide avec des coupes qui ne sont pas nécessairement là où se trouveraientles signes. Désir de rendre le comédien (mais même le lecteur) plus libre et inventif dans la saisie du texte ; de le mettre plus près de la réalité des choses dites.
Parce que la ponctuation – qui est une aide à la compréhension, mais aussi un confort, une habitude – fait obstacle au jaillissement des rythmes, des associations d’images et d’idées, gêne les assemblages, les recouvrements de son etde sens, empêche tout ce qui est confusion. Elle organise, elle fige, alors que le propos, ici, est d’atteindre la plus grande fluidité que le langage (…) permet.
Dans le même esprit, les indications scéniques sont à peu près inexistantes.

On voit donc qu’on a chez Vinaver « un agencement de l’indifférencié (…), comme le dit Ryngaert, qui permet à la réplique d’entrer en frottement avecdes répliques voisines » . Autrement dit, Vinaver ressent, comme il le dit dans ses Ecrits, « le besoin d’affranchir la parole « de son armature logique, du poids d’une tradition culturelle s’appliquant à l’usage des mots, et de la rapprocher à la fois de la matérialité du langage réel, et de la façon dont un objet musical se constitue ». » Il veut, nous dit-il encore « approcher d’un état brut de laparole, laisser faire son flux », c’est-à-dire rendre le comédien ou le lecteur plus libre. Et, comme on l’a vu, l’absence de didascalies va dans le même sens, puisque le texte ne consiste plus, par là, « qu’en l’échange de paroles » et, donc, seules les paroles prononcées, « dans leur flot brut, constituent l’action au niveau du texte ».

– La fragmentation du discours
Un deuxièmeprocédé, qui participe fortement à ce montage dans la langue dans La Demande d’emploi, c’est cette fragmentation du discours.
Sur la quatrième de couverture du numéro de la revue Europe consacrée à Michel Vinaver, voici ce qu’on peut lire :

Sans moralisme ni didactisme, cet écrivain pointe dans chacune de ses pièces l’irréductible inadéquation de l’homme et du monde. Au milieu de la confusiond’éléments qui nous submerge, il procède par collages, montages, tissages, superpositions, juxtapositions, tamisages. Il prélève sur des organes souffrants de la société des séries d’échantillons qui parlent d’eux-mêmes. Il s’efface derrière sa méthode expérimentale et ses résultats, comme un médecin derrière un diagnostic qui s’impose. Or, en lisant une analyse médicale, on se garde d’affirmer plus…