La procédure de sauvegarde, entre attractivité et détournement
La procédure de sauvegarde : entre attractivité et détournement
L’ordonnance du 18 décembre 2008 a marqué une accélération dans le mouvement de réforme du droit des entreprises en difficulté. En effet, on constate qu’environ deux décennies séparaient les lois de 1967, 1984-85 et 2005 ! Le législateur laissait aux réformes le temps de se mettre en place et jugeait à l’aune de l’oeuvre du tempss’il fallait ou non modifier les mesures prises.
Cette brusque accélération fait montre de son souhait d’efficacité et ainsi, la réforme de 2008 (entrée en vigueur le 15 février 2009) s’inscrit dans la continuité du vaste remodelage de la matière enclenché en 2005, ce qui explique pourquoi l’architecture du livre VI du Code de commerce demeure inchangée en dépit de la réécriture de près de 180articles. On a toujours le même nombre de procédures de traitement amiable et judiciaire des difficultés c’est à dire le mandat ad hoc, la conciliation, la sauvegarde, le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire et toujours le critère central de la cessation des paiements. En effet, le but de cette réforme n’a pas été de bouleverser le droit des entreprises en difficulté, comme l’avaitopéré la loi de 2005, mais d’apporter quelques retouches à des procédures existantes dont surtout la conciliation et la sauvegarde, dont on aurait pu croire qu’elle n’avait pas eu le temps de faire ses preuves en trois ans, toutes les procédures n’étant pas encore allées à leur terme. Contrairement à la conciliation, la sauvegarde n’est pas une procédure contractuelle : elle est judiciaire. Pourautant, elle reste particulière, puisqu’il s’agit en réalité d’une procédure judiciaire de prévention des difficultés. Elle a été créée par la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 et se distingue des procédures collectives en ce qu’elle intervient avant la cessation des paiements du débiteur (l’actif ne peut plus honorer le passif). Nonobstant cette apparente distinction,l’autonomie de cette procédure ne semble que symbolique puisque son régime est souvent fixé par renvoi aux dispositions concernant le redressement judiciaire. En effet, il apparaît que le législateur ait voulu lénifier au maximum la réalité afin de convaincre le débiteur en difficulté de recourir à ce mécanisme. Cette procédure peut s’appliquer tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales, aucuneinterdiction n’étant précisée dans le Code de commerce (art L620-1 et suivants). Son but affiché est de permettre la réorganisation de l’entreprise d’une part et de rendre possible sa cession d’autre part en mettant en place une atmosphère favorable à la négociation entre le débiteur et ses créanciers. Le débiteur bénéficie dès l’ouverture de la procédure d’une période d’observation où sont interditsles poursuites et de manière corollaire, les paiements (alors même que le débiteur est censé être en mesure d’honorer son passif) ; cette dernière interdiction constitue une véritable faveur. Manifestement, le dispositif mis en place en 2005 paraissait déjà très séduisant pour le débiteur, et malgré tout, les personnes devant faire face à des difficultés n’y ont que peu recouru pendant trois ans,incitant le pouvoir politique à proposer une «nouvelle» sauvegarde, encore plus attirante. En effet, il est question de convaincre les débiteurs d’y avoir recours, eux qui souvent motivés par des considérations plus ou moins rationnelles telles que leur antique réticence à avouer leurs difficultés (cela revient à admettre leur échec) ou plus raisonnablement, le souhait de ne pas les rendrepubliques afin de ne pas décourager d’éventuels partenaires économiques ou encore, la crainte de s’engager dans une procédure judiciaire dont ils ne maîtrisent ni le déroulement ni l’issue.
La réforme de 2008 semble alors justifiée : elle rend la procédure plus attractive, sans aucun doute, mais elle pousse également à s’interroger. L’attractivité de la sauvegarde est-elle réellement au service de…