Photoreportage et art
Considérer la photographie comme un art a depuis toujours suscité de nombreuses interrogations. Vue comme purement mécanique et dénuée tout sens créatif, esthétique, artistique, la photographie à longtemps été reléguée au rend de simple technique.
Elle entretient pourtant depuis toujours un lien plus ou moins fort avec les beaux-arts. D’abord simple servante de ceux-ci, elleest utilisée comme modèle pour les peintres et sculpteurs. Petit à petit, la photographie veut se servir des critères artistiques utilisé pour les beaux arts dans son propre intérêt, nait alors un courant, le pictorialisme qui prônent l’intervention de la main de l’artiste sur la photographie ainsi que l’emploi de divers effets esthétiques pour que la photographie s’apparente plus à la peintureet acquiert par là une véritable valeur artistique.
Malgré cette volonté d’imiter la peinture, la photographie ne peut se défaire de ses spécificités qui en font un médium à part. La photographie est indicielle, elle est la trace de son référent. Pensons au « ça a été » de Roland Barthes. En cela la photographie semble ne pouvoir que difficilement se défaire de son effet de vérité, elle seraitprofondément encrée dans le réel, en être le miroir le plus juste. De plus, la photographie est aussi reproductible à l’infini, elle n’est essentiellement pas unique. Enfin, la photographie est difficilement dissociable de la fonction qu’on lui attribue. Elle a un but. Elle se définit essentiellement par sa valeur d’usage. Elle fait office de preuve, de témoignage, de souvenir. Cescaractéristiques propres à la photographie et dont il est difficile de la défaire, l’ont souvent privée d’être considérée comme un art à part entière.
Nous tenterons de montrer que malgré cela et même en l’acceptant et l’assumant, la photographie peut être vue comme une discipline réellement créative et être digne de trouver sa place dans les musées et galeries aux côtés d’autres œuvres. Pour ce faire, nousbaserons notre travail sur l’analyse de la photographie reportage en particulier. Notre réflexion est partie de l’idée « de photoreportage d’auteur », développée notamment par Gaëlle Morel, qui installe la figure du photographe entre un artiste et un témoin. Ensuite, il nous est apparu utile d’éclaircir la situation du photojournalisme et du photoreportage aujourd’hui. Nous constatons qu’il semblevivre actuellement une crise et que le photoreportage sera sans doute amener à se redéfinir. Ces investigations nous amènent à notre question centrale : les rapports que peuvent entretenir la photographie reportage et le musée à travers l’exposition de celle-ci.
La photographie reportage est à la base fonctionnelle avant tout. Toute considération esthétique, créative est reléguée au secondplan. Elle est là pour témoigner d’un fait de notre réalité, pour en garder une trace la plus objective possible. La photographie est alors vue comme un document, elle fera partie d’archives, sera un élément pour retracer notre histoire. L’éthique de la photographie reportage veut que l’intervention du photographe se sente le moins possible. Priorité au sujet et non à l’auteur, qui ne doit resterqu’un simple mécanicien.
L’objet de ce mémoire sera d’aller à l’encontre de cette idée de la photographie reportage. Il sera question de montrer que la photographie reportage se situe justement à la frontière entre art et médias. « La question de l’intégration de la photographie aux beaux-arts ou de sa constitution en pratique spécifique autonome s’articule autour du rejet ou de l’acceptation duphotoreportage » ([1]) (Gaëlle Morel, photoreportage d’auteur, p15). Sans pour autant rejeter sa fonction première de témoin, de mémoire, le photoreportage peut être le résultat d’une visée créative et artistique. La figure de l’auteur, développée par Gaëlle Morel, se détache alors. « L’auteur caractérise ainsi le photographe qui, sans renoncer à la valeur d’usage de ses images, aspire à une…