Critique épistémologique de l’ouvrage de milton friedman: capitalisme et liberté
Critique épistémologique de la thèse de Milton Friedman : Capitalisme et liberté
par Cochise Brunet-Trait
10 mai 2006
Introduction Depuis une décennie environ, il ne se passe pas une journée sans que nous n’entendions parler d’économie. Elle est tellement présente dans nos vies de tous les jours que parfois nous pouvons avoir l’impression que, telle une religion, elle est au centre denos vies. Si nous portons un peu notre attention sur la question économique, nous constatons que depuis le début des années 1980, l’idéologie néolibérale semble prendre de plus en plus d’importance. Pour mieux comprendre le néolibéralisme, je me suis penché sur le livre Capitalisme et liberté de l’un de ses pères fondateurs, Milton Friedman, en me questionnant sur la validité scientifique de cetouvrage. Pour ce faire, il est question dans le présent texte d’une critique épistémologie de la thèse de Friedman. Avant d’entrer dans le vif de la critique, il sera en premier lieu question d’expliquer en quoi consiste sa thèse. Par la suite, il sera question de confronter cette thèse avec le keynésianisme, qui a été dominant pendant trois décennies. Je vais ensuite analyser l’ouvrage selonl’approche wéberienne de la neutralité axiologique, approche d’une très grande importance en science sociale. Le néolibéralisme présente une vision de la société centrée sur l’individu. Je vais donc confronter cette thèse avec l’œuvre d’Émile Durkheim afin de voir s’il n’y a présence de rupture épistémologique. Et pour terminer, je présenterai une brève réflexion sur la pratique de la science économique,en tentant de vérifier si cette science sociale est pratiquée de la façon dont on pratique ces sciences aujourd’hui, c’est-à-dire en y ayant évacué le positivisme inhérent aux sciences naturelles.
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Partie I : Thèse de Milton Friedman Avant de passer à la critique épistémologique de la pensée de Milton Friedman, commençons par voir en gros en quoi consiste sa pensée. Premièrement, ce qu’ilpréconise avant tout, c’est la liberté individuelle. Il considère l’État comme étant une très grande menace à celle-ci. Il commence son ouvrage intitulé Capitalisme et liberté en citant la très célèbre phrase prononcée lors du discours inaugural du Président états-unien John F. Kennedy : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous; demandez-vous ce que vous pouvez faire pourvotre pays. » Friedman considère que cette citation, si courte soit-elle, illustre de deux façons comment l’État brime les libertés des citoyens.
Premièrement, le début de la citation, « ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous », présente l’idée d’un État paternaliste. C’est ici une vision qui infantilise le citoyen en quelque sorte. « Selon la première phrase de la déclarationprésidentielle, le gouvernement est un tuteur, et le citoyen son pupille. »1 Deuxièmement, « demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays » présente l’idée d’un État maître qui asservit son peuple. « Quant à l’organicisme de la seconde phrase, il suppose que le citoyen est le serviteur – ou l’adorateur – d’un gouvernement qui est le maître – ou la divinité. »2
Cependant, Friedmanconsidère l’État comme étant essentiel au maintien de l’ordre dans la société. Une société sans gouvernement, selon lui, ne pourrait se
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Milton Friedman, Capitalisme et liberté, Paris, Robert Laffont, 1971, p. 13. Ibid. p.13
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gouverner elle-même. En ce sens, la critique qu’adressent les néolibéraux (bien que Friedman se considère comme étant libéral) envers l’État n’a rien à voir aveccelle que lui adressent les anarchistes. Au sens du néolibéralisme, l’État peut assurer la protection des libertés individuelles, à condition qu’il n’y ait pas d’intervention de l’État dans l’économie. Pour bien comprendre ici ce qu’entend Friedman, il faut considérer que le cœur de sa thèse est que le capitalisme est une condition essentielle à l’émergence d’une société libre; il fait…