Les ports
Ports du Maroc et ensablement
par Najib Cherfaoui, ingénieur des Ponts et Chaussées
A. Introduction Les ingénieurs travaillant à la construction de digues ou de môles sont souvent confrontés à des situations imprévisibles telles que la disparition de plages ou la formation de nouvelles barres de sables. En effet, à l’approche des rivages, et en réaction au déferlement, une partie del’énergie des vagues alimente la formation de remous turbulents et laminaires qui donnent naissance, le long de la frange littorale, au déplacement de grandes quantités de masses d’eau.
figure 1 : Port de Sidi Ifni ; quai îlot relié à la terre ferme par téléphérique équipé de wagonnets auto-tractés. Réalisée entre 1962 et 1965, cette construction originale, unique au monde, présentait l’avantage d’éviterl’ensablement auquel est confronté aujourd’hui le bassin portuaire mitoyen achevé en 1988, puis agrandi en l’an 2000.
Le régime de ces mouvements d’ensemble est très sensible à la morphologie côtière et aux fluctuations météorologiques. Une simple modification de la géométrie du trait de côte, comme par 1 exemple l’édification d’un brise-lames, peut changer profondément le régime des courants, avec des conséquences souvent incalculables sur les activités humaines, à telle enseigne que ce phénomène, combiné aux transports sédimentaires, peut bouleverser le destin d’une région, et parfois même, faire ou défaire une civilisation entière. Par exemple, si c’est grâce à son port, que la ville de Bruges était devenue à partir du XIVème siècle le cœur de l’ordre marchand européen, c’estaussi à cause de l’ensablement de ce port qu’elle connut une récession grave et irrémédiable, étant donné que les bateaux l’ont peu à peu déserté. Parmi les villes qui se sont disputées sa succession, Venise gagna cette bataille, mais entre autres vicissitudes, l’envasement du port entraîna le déclin de cette cité jusqu’alors prospère. Anvers au Nord, puis Gênes au Sud prirent la relève etassurèrent successivement le rôle de place-forte de l’échange, mais subirent à leur tour, pour des raisons identiques, le même sort. C’est alors que la ville d’Amsterdam, toujours sur le qui-vive, accéda rapidement à un rang central dans les réseaux commerciaux, position qu’elle a maintenu jusqu’à nos jours. La longévité de cette hégémonie s’explique par une vision claire et lucide basée sur l’adaptationpermanente de son port aux mutations de la navigation maritime.
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De manière générale, les courants marins sont causés par l’action des forces internes (température, densité), ou par l’action des forces externes (vents, houle, marées), ou bien encore par la combinaison des deux.
Ports du Maroc et ensablement
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Pour faire face aux problèmes d’ensablement, cette cité a su, dèsl’avènement de l’ère industrielle, délocaliser ses activités portuaires vers le pôle stratégique de Rotterdam pour y construire des quais par des profondeurs compatibles avec la taille sans cesse croissante des navires.
Océan Atlantique
Oued
Sebou
Sept épis de fixation du lit de l’Oued Oued digues de calibrage servant à canaliser les courants de marées et fluvial pour chasser les sables etbriser la barre.
treize épis de stabilisation de la rive droite
17 épis de stabilisation
Port de Kénitra Mehdia phare
figure 2 : Embouchure de l’Oued Sebou : pour couper la barre de sable qui gêne la navigabilité, deux jetées longitudinales concentriques furent construites entre 1921 et 1932. En enserrant le jusant, mouvement de marée basse, ces ouvrages donnaient à ce courant de reflux,la vitesse et la force nécessaires pour chasser et entraîner les sables vers le large. Trois cents ans plus tôt, le Sultan Saadien, Moulay Zidane avait envisagé la même technique pour faire disparaître la barre d’alluvions de l’Oued Oum Er Rabii, et améliorer ainsi l’accès maritime au port fluvial d’Azzemour.
Des villes comme Kénitra ou Larache sont confrontées à des difficultés de…