L’observation clinique formalisée dans la recherche en thérapie psychanalytique
L’observation clinique formalisée dans la recherche en thérapie psychanalytique
Jean-Michel Thurin*
La recherche en psychanalyse peut concerner plusieurs registres o l’investigation empirique des conditions de développement, de progression, de stabilisation et de traitement de troubles mentaux ou psychosomatiques o l’étude des fonctionnements mentaux physiologiques ou pathologiques «ensituation» et leurs corrélations comportementales ou symptomatiques o l’évaluation de l’action d’une intervention thérapeutique ou d’une cure sur un symptôme ou une pathologie déjà constituée chez une personne. o le diagnostic des aires de problèmes dont souffre une personne, en termes de fixation à une étape de développement et de conflit, et qui constitueront un point de repère important dans laconduite du traitement Cette recherche s’appuie essentiellement sur quatre types de données o le récit par le patient de son histoire où l’on peut suivre une série de vécus et leurs conséquences sur l’organisation et le fonctionnement de la personne (diagnostic biographique1) o toujours à partir du récit, mais en prenant aussi en compte les informations non directement repérables qu’il contient, ilest possible d’objectiver certains aspects de la problématique, du fonctionnement du patient, de ses mécanismes de défense et de ses symptômes. C’est à dire de mieux connaître sa réalité interne et la façon dont elle intervient dans le rapport à la réalité «externe»2. o le fonctionnement interpersonnel, sémiotique et discursif, dans le cadre de la psychothérapie ou de la psychanalyse, qui impliquenon seulement le patient mais aussi le thérapeute, dans leurs propos directs ou commentaires. o les productions, en particulier le rêve, à partir de leur récit ou de leur figuration. Ces différentes données ne sont pratiquement pas utilisables directement. Elles doivent être au préalable recueillies, traitées selon des critères d’ordre en relation avec les hypothèses étudiées,
– 1 L’étude decas
et interprétées. On peut envisager deux niveaux de recherche : o celui de la recherche «solitaire» qui peut d’ailleurs inclure le patient. Elle concernera par exemple l’analyse du contexte de déclenchement d’un symptôme, sa mise en perspective avec une situation antérieure analogique et «prototypique, les associations verbales qui sont liées à cette évocation. Tout ceci fait partie de lapratique quotidienne du psychanalyste. Mais cette recherche reste «muette» par rapport à la communauté scientifque, avec des conséquences importantes sur la validation des modèles de référence, certaines approches étant beaucoup plus «bavardes» et aussi sur les pratiques, certaines intuitions dominantes pouvant faire écran. Il est donc important d’envisager «l’autre recherche», impliquant le tiers dela communauté scientifique. o cette recherche va impliquer certaines règles. Il ne s’agira jamais de viser une reproductibilité dans l’absolu des faits observés et des déductions qui peuvent en être tirées. Par contre, certaines hypothèses étudiées selon une méthodologie précise (et non lancées à la volée) pourront être réétudiées à propos d’autres cas ou les résultats comparés à ceux obtenus àun autre moment de la cure. On ne visera pas «la preuve»; mais des observations convergentes sur un objet commun peuvent avoir un effet de connaissance assorti de conséquences pratiques. Il s’agira alors de définir le plus précisément possible ce que l’on étudie et comment. Ce recensement des variables et la méthodologie de leur approche constitue en lui même une recherche. Il ne peut êtreévidemment question d’envisager ici tous les axes. Aussi nous nous centrerons sur trois d’entre eux : o l’importance des données. Nous rappellerons à ce sujet une étude menée par le Comité des Activités Scientifiques de l’American Psychoanalytic Association o le formatage des données. Nous partirons des propositions de l’APA et d’un travail publié sous la direction de H.J. Freyberger (Lübeck) et W….