La cité nationale de l’histoire de l’immigration

décembre 24, 2018 Non Par admin

La Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration (CNHI) :
les enjeux multiples d’une définition de la place de l’immigration dans la société française.

Introduction :
Dans sa conférence intitulée « Qu’est-ce qu’une nation ? » donnée à la Sorbonne en 1882, Ernest Renan définit le concept de nation comme « une âme, un principe spirituel ». Cette âme est constituée de deux choses : l’une estdans le passé, c’est la possession de souvenirs communs, de « riches legs communs » ; l’autre est dans le présent, c’est « la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ». La condition d’existence d’une nation est donc que ses membres (passés et présents) aient fait de grandes choses, et qu’ils veuillent en faire encore. La nation repose sur le consentement de ses membres.Dès lors, un problème émerge : les étrangers peuvent-ils être intégrés, puisqu’ils n’ont pas les souvenirs en commun avec la population nationale. L’argumentation de Renan qui visait à combattre la xénophobie ne parvient cependant pas à justifier l’intégration des étrangers. Toutefois, Renan propose cette définition de la nation alors même que l’immigration en France n’en est qu’à sa premièrevague, s’il on s’en tient à ce que retrace Gérard Noiriel dans son ouvrage, Le Creuset français. Rappelons simplement que celui-ci distingue trois grandes périodes d’immigration en France : la première date de la fin du XIXe siècle au cours du « boom » du Second Empire (essentiellement venue des pays limitrophes : Belgique, Espagne, Italie) ; la seconde correspond au années 1920 (élargissement desnationalités avec des migrations russes, polonaises et arméniennes ainsi que celles liées à l’expansion coloniale) ; la troisième enfin se déroule durant les Trente Glorieuses (en majorité une immigration venue du Maghreb, de l’Espagne et du Portugal). La France a donc attiré des flux d’étrangers qui ont été partie intégrante de son développement dans tous les domaines, démographique, économique,social et culturel. Si nous faisons le lien ici entre ces vagues de migrations et le concept de nation c’est que, nous dit Noiriel, la notion même d’immigration est intrinsèquement liée à celle d’État-nation, de sa constitution. En effet, dès lors qu’on parle d’ « immigration » et non d’ « émigration », on se place nécessairement du point de vue de la terre d’accueil. Ainsi l’immigration est un termeporteur de sens, n’est pas neutre. Autre point important que soulève Gérard Noiriel est le caractère précoce de cette immigration en France, commencée au XIXe siècle, alors que la plupart des autres pays européens sont essentiellement des lieux d’émigration. Néanmoins malgré un processus historique vieux de plus d’un siècle, la question de l’immigration n’a été considéré comme faisant partie del’histoire de France qu’à partir des années 1980. Souvent perçue comme une question d’actualité, l’immigration a souffert d’un déficit de mémoire. Toutefois les changements en la matière au cours des trente dernières années, débouchent sur l’inauguration à Paris en 2007, d’une Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration (CNHI). Le projet, déjà proposé au début des années 1990 par Gérard Noirielet Pierre Milza, ne prendra réellement forme qu’à partir du rapport commandé à Jacques Toubon par le Président Jacques Chirac. Résultant de la participation de plus de trois cent personnes

(acteurs institutionnels, associatifs et scientifiques), ce projet vise à créer un « centre de ressources et de mémoire de l’immigration », d’en faire l’histoire comme l’indique le nom de ce musée, plusencore de l’intégrer à l’histoire de France en tant que l’immigration est alors considérée comme constitutive de la nation française. Ce projet prend une dimension encore supérieure lorsqu’on voit l’immigration comme un terme bien souvent connoté négativement et corrélé à l’histoire d’une « France hostile ». Si les immigrés ont alors bien souvent souffert du racisme et du rôle de bouc émissaire lors…