Contraction de texte
Contraction de texte
Roland BARTHES – 1953, Lettres nouvelles
La peinture hollandaise classique n’a supprimé la religion de ses œuvres que pour la
remplacer par la vie quotidienne de l’homme,toujours présent dans cet art. Saenredam
s’en distingue néanmoins en peignant l’intérieur d’églises vides.
Ainsi, cette peinture humanise le monde, et implante des objets de la vie quotidiennepartout, mais pas pour les décrire : ils ne sont en effet jamais le centre d’une peinture. Ils
servent l’homme, sont soumis à l’usage qu’il leur donne, et à son autorité. D’ailleurs, la
naturede ces objets n’est jamais décrite, seul son usage importe. Les objets s’assemblent
autour de leur qualité seconde, l’usage, pour créer l’univers humain. On s’attache ainsi aux
attributs d’un objetplutôt qu’à son essence. Il n’est décrit que dans son rapport à l’homme :
par exemple, un citron peut être humanisé en étant représenté ouvert. C’est ainsi que
l’homme est maitre, en réduisantles objets à de simples fonctions. Comme les
gravats d’Amsterdam, tout élément est marchandise, et les matériaux sont stockés, ou
déplacés. Cette mobilité fait de l’objet ce qu’il est, même l’eau estutilisée pour servir
l’homme.
Les hollandais classent les objets, distinguent leur caractère meuble ou
immeuble, et leurs tableaux se lisent ainsi comme un catalogue, où tout représente unedes
pièces du puzzle de la vie quotidienne. Ceci s’applique aussi à des classes sociales, les
paysans, également considérés comme des objets, et comme eux, représentés par leur
fonction. Cetteclasse paysanne s’oppose donc à la classe patricienne. Le peintre ne fait pas
l’effort de leur donner visage humain, il se contente de l’esquisser. Seule la bourgeoisie,
dont les femmes sontabsentes, constitue la vraie humanité. Leurs visages sont dépeints
dans des tableaux de corporation, et sont le signe d’appartenance à un ordre. La
ressemblance entre individus d’une même classe n’est…