Le désir nous permet-il de prendre conscience de nous-même?
Comme l’assimilait Platon au tonneau percé des Danaïdes, toujours à remplir mais jamais ni plein ni vide, le désir ne se comble véritablement jamais étant donné qu’il est toujours immédiatement remplacé par un autre. Nous désirons au moins autant que nous pensons. Dès lors le désir, la recherche du plaisir, apparaît essentielle à la connaissance de l’individu. Le désir nous permet-il de prendreconscience de nous même ? La connaissance de l’être passe-elle par l’analyse de nos désirs ? Comme l’illustrait d’Augustin, « C’est à l’intérieur de l’homme qu’habite la vérité ». La quête de la connaissance de notre existence, de notre intériorité, de la transparence du « moi » constitue une antique tradition. Cependant le désir, qui s’accompagne de la représentation d’un objet susceptible de lesatisfaire, résulte d’une pensée soit consciente ou inconsciente. A priori, on voit mal comment les désirs dont nous ne maitrisons pas la naissance pourraient nous caractériser en temps qu’individu dès lors qu’ils surgissent à notre insu.
Peut-on comprendre ses désirs ? Peuvent-ils de nous définir en tant qu’individu, nous singulariser ? Sont-ils caractéristiques de l’espèce humaine ? Quepermettent-ils?
Affirmer que l’on désire, c’est déjà affirmer que « je » désire et ainsi prendre conscience de son être. Le désir permettrait donc la singularisation de l’individu.
Le désir est subjectif, il varie d’un individu à l’autre selon son caractère, son expérience. Cette subjectivité est présente dans l’essence du désir : nos intérêts personnels, nos valeurs et notre éducation influentsur la nature même de nos désirs et sur leur intensité. Le désir, expression d’un manque, est logiquement propre à chacun. En outre, pour Freud, le désir serait « fantasmatique » et sera en fait inventé ou façonné par notre inconscient. La réflexion sur la nature même de nos désirs permettrait donc de comprendre une part d’ombre de notre intériorité, comme nos aspirations, conscientes ou non etles manques et les carences qui motivent notre recherche. Mais la subjectivité du désir est également présente dans la manifestation du désir. Ainsi, deux individus désirant le même objet, la richesse, avec la même intensité, vont réagir différemment pour espérer combler leur objectif. Le moyen d’accéder à la satisfaction de nos désirs nous caractérise : un des deux individus tentera connaitrela richesse en volant ou en utilisant des procédés malhonnêtes, alors que l’autre préférera travailler dur ou économiser. En ce sens, l’analyse de nos désirs nous renseigne sur une facette de notre caractère, l’impatience, la sagesse, l’honnêteté etc… Ainsi, le désir apparait comme expression de notre intériorité, de notre âme. La réflexion personnelle et la nature intellectuelle de notreconscience permettent grâce à un mouvement du « moi au moi » de se découvrir, se connaitre soi-même. Le désir et son analyse constituent ainsi pour l’individu la certitude de son existence et le renseigne sur des facettes de son âme qui pouvaient lui être inconnues. On peut alors se demander si cette prise de conscience est automatique et parfaitement individuelle.
En effet, pour Hegel, lacompréhension de nos désirs ne pourrait se faire sans la prise en considération d’autrui. Comme il l’énonçait dans sa théorie du maître et de l’esclave, la conscience de soi passe forcément par autrui : en effet, le maître a conscience de sa supériorité car l’esclave l’a reconnu. Quant à l’esclave, la lutte qu’il a menée par le travail, la soumission et la peur qu’il a ressenti face au maitre lui a permis deprendre conscience de sa condition et de sa faiblesse. Le désir constitue alors le point de départ de la lutte des consciences : chacun veut dominer l’autre pour être reconnu.
Le désir ne pourrait ainsi exister tout seul, mais uniquement en fonction de l’autre. Le désir permettrait ainsi à l’individu d’affirmer son « moi » par rapport à un groupe. Pourquoi désire-t-on une voiture de sport…