Globalisation financiere
DOSSIER I
La globalisation financière en crise
Catherine Mathieu
OFCE, Centre de recherche en économie de Sciences Po
Henri Sterdyniak
OFCE, Centre de recherche en économie de Sciences Po Université Paris Dauphine
Le capitalisme financier est entré dans une crise profonde en 2007. Cette crise, d’abord bancaire et localisée dans le marché du crédit immobilier américain, est rapidementdevenu mondiale, financière et réelle. Elle a remis en cause la forte croissance dont bénéficiait l’économie mondiale depuis 1995. L’article décrit l’ampleur de la globalisation financière et les déséquilibres qu’elle a générés. La crise s’explique d’abord par des déséquilibres macroéconomiques. C’est une crise des stratégies nationales de pression sur les salaires, qu’elles soient compensées pardes gains de compétitivité (Chine, Allemagne) ou par le développement de la financiarisation, qui permet d’impulser la consommation des ménages, grâce à la bulle financière et par l’endettement (comme dans les pays anglo-saxons). La globalisation financière permet l’accumulation de déséquilibres qui finissent par exploser (comme le montre la polarisation des soldes extérieurs) ; elle secaractérise par l’instabilité des marchés (comme l’illustre le cas du marché des changes). La crise s’explique ensuite par l’hypertrophie du secteur financier, l’avidité des détenteurs de capitaux et l’aventurisme des institutions financières. De masses énormes de capitaux sont à la recherche d’une rentabilité maximale ; les gestionnaires ne peuvent l’assurer que temporairement par la création de bullesfinancières qui s’effondrent périodiquement. La crise de 2007-2008 apparaît comme un révélateur : elle montre la faillite des mathématiques financières qui étaient censées permettre d’optimiser les rentabilités, de réduire et de distribuer les risques. Elle met en évidence la stratégie aventureuse des banques qui contournaient les ratios prudentiels et intervenaient massivement sur les marchésfinanciers. L’article se conclut par une discussion critique des projets de réformes du fonctionnement de l’économie mondiale, en particulier ceux que les sommets du G20 ont esquissés. Ceux-ci devraient concerner tant les stratégies macroéconomiques nationales que la gouvernance de l’économie mondiale et celles des banques et des marchés financiers.
Mots-clés : Crise financière. Globalisationfinancière. Gouvernance mondiale.
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REVUE DE L’OFCE ? 110 ? JUILLET 2009
? Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak
« Les pirates ne sont pas, et ne seront jamais, les amis sincères des navigateurs »
Histoire de l’infamie, Jorge Luis Borgès
L
a mondialisation et la globalisation financière ont fortement impulsé lacroissance mondiale depuis quinze ans. Le capitalisme international, productif et financier, a assis sa domination sur l’économie mondiale, contribuant à une forte croissance (3,8 % l’an de 1990 à 2007, tableau 1) qui a particulièrement bénéficié aux pays en développement (PED) et au Royaume-Uni. Cette croissance a été instable : l’économie mondiale a été secouée par une série de crises financièresd’une fréquence inégalée dans l’histoire économique contemporaine : après la crise de la dette des pays du tiers-monde en 1982, sont survenues la crise du SME en 1992-1993, la crise mexicaine en 1994-1995, la crise asiatique en 1997-1998, la crise russe et la faillite du fonds LTCM en 1998, les crises du Brésil en 1999 et en 2002, le krach des valeurs de la nouvelle économie et la crise turque en 2000,la crise argentine en 2001-2003. La crise actuelle, amorcée en 2007, montre, une fois encore, les risques en termes de stabilité et de soutenabilité d’un mode de croissance impulsé par les firmes multinationales et les marchés financiers et par des stratégies nationales non coordonnées, sans institutions de gouvernance mondiale.
Depuis le début des années 1980, l’économie mondiale a…