Economie et religion
CONOMIE ET RELIGION
Introduction – Economie et religion
Jean-Marc DANIEL
«Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. » La formule, attribuée à Malraux, est célèbre, même si elle est probablement apocryphe. A voir les églises européennes désertées le dimanche, on est d’ailleurs en droit de s’interroger sur la pertinence de cette affirmation. Pourtant, le fait est que la religion a reprisdans la vie quotidienne une importance que beaucoup ne soupçonnaient pas il y a quarante ans, quand Malraux s’exprimait. Evidemment, chaque religion ne connaît pas le même dynamisme, chaque pays diffère dans ses rapports à la religion, chaque message sacré prend des formes plus ou moins abouties, mais la religion reste un phénomène d’autant plus important que les idées politiques révolutionnairesconnaissent une éclipse.
Le socialisme ne se propose plus de construire ici-bas une société parfaite et les mouvements qui utilisent le mot diffèrent peu des autres partis politiques. Cette situation est peut-être momentanée et un nouveau Malraux pourrait pronostiquer que le XXIIe siècle sera celui du socialisme rénové et de l’utopie accomplie. Après tout, dans le Dictionnaire de l’économiepolitique, l’auteur de l’article « socialisme » écrivait en 1852 que « parler du socialisme, c’est prononcer une oraison funèbre » ! En attendant un renouveau de l’utopie terrestre, nous devons constater un renouveau du sentiment religieux, notamment au sein des populations les plus déshéritées. L’islamisme fait des progrès spectaculaires et est devenu un sujet mondial de préoccupation pendant que,dans certains pays, les évangélistes chrétiens enregistrent des adhésions massives.
La religion, objet économique
Qu’a à dire l’économie face à cette évolution de la pratique et du sentiment religieux ? L’économie peut aborder la religion de trois façons : la première est d’utiliser les concepts et les méthodes de l’économie politique pour analyser la religion. Dans le dossier que nous publions,c’est le point de vue qu’adopte Philippe Simonnot. Auteur d’un livre remarquable sur l’histoire économique de la papauté, il revient sur les caractéristiques économiques d’une religion : elle cherche à être en monopole ; le « produit » qu’elle propose – en général la consolation ici-bas et le bonheur dans l’au-delà – est très particulier dans la mesure où il échappe à tout contrôle effectif de laconformité de ce qui est réalisé à ce qui est proposé ; elle répond au besoin très présent dans le caractère humain du don, du dévouement, de la gratuité.
Le message économique
Objet économique, la religion peut aussi être abordée par le message qu’elle délivre sur l’économie. Dans le cas du christianisme, Schumpeter, dans son Histoire des idées économiques, indique que les Pères de l’Eglisen’ont pas eu de pensée économique, car l’économie est une réflexion sur le royaume de César, alors que le chrétien, tout en donnant à César ce qu’il réclame, sait que le véritable royaume n’est pas de ce monde. Pourtant, Schumpeter le développe ensuite, il y a eu au cours des siècles des idées économiques fondamentales issues de la théologie et de la démarche intellectuelle des penseurs chrétiens. Le« juste prix » de saint Thomas d’Aquin compte parmi les concepts les plus riches de l’économie politique. Quant au premier texte strictement monétariste jamais écrit, texte que Milton Friedman reconnaissait comme une oeuvre majeure, il s’agit du Traité des monnaies du franciscain Nicolas Oresme. Ce qu’il y a d’important dans ce Traité, c’est que la vision monétaire qu’il donne s’appuie sur unevision politique du rôle du roi, et par-delà sur une vision de ce que doit être la répartition des pouvoirs dans le monde pour satisfaire à la volonté divine. La monnaie y est décrite en référence au message évangélique. Le développement de la science économique s’est accompagné de tentative de rendre les notions d’intérêt et de marché conformes à la vision chrétienne. On pourrait citer de nombreux…