Explication page 95 voyage céline
Louis-Ferdinand Destouches dit Céline est un romancier français du 20ème siècle, renouvelant la prose jusqu’à l’hallucination. Son antisémitisme pathologique l’entraina dans un pessimisme apocalyptique. Céline a révolutionné l’écriture par l’introduction du langage parlé, souvent argotique. Son oeuvre évoque dans la dérision la misère et le désespoir humains.
Son premier roman,Voyage au bout de la nuit (1932) déclenche l’enthousiasme général. Le ton y est nouveau, celui de l’argot, tournant en dérision les valeurs morales et politiques issues de la Grande Guerre mais il ne renonce pas pour autant à la langue classique.
Le premier niveau de lecture se situe au plan historique. Le livre semble viser la Grande Guerre, l’Empire colonial français, le libéralisme américain et lamisère des banlieues.
Le deuxième niveau de lecture relève de la fable et du mythe.
Le thème bien sûr est celui du voyage mais d’un genre spécial puisqu’il n’a pas de but ni d’indices chronologiques. Toutefois quelques détails permettent de situer l’action entre 1915 et 1930. Sur le plan spatial, des lieux imaginaires côtoient des lieux réels.
Notre extrait se situe à la fin de la1ère partie concernant la guerre. Il précède le voyage en Afrique. Le contexte historique est celui de l’après-guerre s’achevant sur une impression d’amertume, d’échec après les rêves de paix de la SDN. S’ajoute à cela la crise économique dès 1930 et ses conséquences sociales telles le chômage.
Le sentiment dominant du livre donne l’impression que l’homme erre dans un monde qui le repousse etl’agresse. Le voyage au bout de la nuit serait alors plutôt une errance vers toujours plus de noirceur.
La ville est victime de cet état de choses jusqu’à la décomposition et la pourriture.
En quoi ce roman est-il à la limite de la littérature romanesque ? Est-ce une peinture réaliste ?
Le personnage principal est Bardamu inclus dans le « nous » du début du texte. Alors qu’ilcontemplait une baraque foraine il a été subitement frappé de terreur et « voyait » partout des soldats ennemis. Embarqué dans l’hôpital psychiatrique de Bicètre, il se rétablit quelques temps plus tard et sa mère le visite. Ils vont se promener dans le quartier.
Lisons cet extrait.
Notre texte constitue une description sauf la première proposition narrative de la 1ère phrase
« Avec ma mèrejusqu’à… rues ». Le ton est tragi-comique. L’emploi du 1er verbe au passé simple « nous fîmes » montre que l’auteur n’a pas abandonné le style soutenu.
Sur le plan syntaxique, la plupart des phrases sont juxtaposées et non subordonnées. Elles débutent de façon indépendante comme : « Avec ma mère » (l 1), « Dans le grand abandon » (l 8), « Il y a » (l 11), « Tout se passe » (ligne 21). Cestournures énumératrices donnent un style haché qui correspond bien au langage de tous les jours.
Détaillons plus profondément. L’aspect misérable de la banlieue, en l’occurrence, Bicètre, le sud de Paris, plongé dans la crise sociale est montré par le laisser-aller dans les travaux entrepris, les « ébauches des rues », les « rues » (anaphore) des « lampadaires pas encore peints ». Bardamu et sa mèresemblent se laisser gagner par cette négligence puisqu’il « marchent en traînant » (l 2). Ces signes de désordre sont soulignés par « le grand abandon » et de plus « mou » (l 8), les « chevaux de bois dépeint » de la fête foraine (l 16), les gamins « repoussés » et de nouveau « leur abandon » (l 18).
A cela s’ajoute le dénuement, la maladie et la malpropreté : « Aux fenêtres bariolées » pendentdes « chiffons » qui sont les « chemises des pauvres » (l 5), « les morveux rachitiques » aux « doigts dans le nez ».
La pauvreté est soulignée ligne 19. Notons au passage les termes plutôt médicaux « morveux » et « rachitiques » qui rappellent que Céline était aussi médecin.
Notons les champs lexicaux des sens :
* D’abord l’ouie ou son évocation : le « bruit du graillon (ou de la…