Revue éconmique
Article
« Les défis d’une nouvelle théorie de la croissance » Philippe Aghion
L’Actualité économique, vol. 78, n° 4, 2002, p. 459-486.
Pour citer cet article, utiliser l’adresse suivante :
http://id.erudit.org/iderudit/007261ar Note : les règles d’écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir.
Ce document est protégé par la loi sur ledroit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter à l’URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html
Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à
Montréal. Il a pour mission la promotion et lavalorisation de la recherche. Érudit offre des services d’édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d’Érudit : [email protected]
Document téléchargé le 10 juin 2011 05:43
L’Actualité économique, Revue d’analyse économique, vol. 78, no 4, décembre 2002
LES DÉFIS D’UNE NOUVELLE THÉORIE DE LA CROISSANCE
Philippe AGHION UniversitéHarvard et University College London
INTRODUCTION : LES TROIS GRANDS DÉFIS À RELEVER POUR UNE NOUVELLE THÉORIE
DE LA CROISSANCE
Dans son manuel de macroéconomie, publié en 1982, M. Edmond Malinvaud énonce plusieurs objectifs que, selon lui, toute bonne théorie de la croissance économique doit atteindre, notamment : (i) expliquer les différents profils de croissance à long terme d’un pays àl’autre ou d’une région à l’autre, et formuler des relations vérifiables et stables entre la croissance à long terme et toute une gamme de facteurs économiques sous-jacents;
(ii) rendre compte des évolutions historiques à long terme (en particulier, la convergence ou la divergence des divers pays) et ainsi réconcilier la temporalité abstraite des modèles dynamiques avec le déroulement deschangements économiques réels, analysés par les historiens; (iii) éclairer d’un même souffle les transformations institutionnelles et les changements technologiques. Cependant, comme Malinvaud a dû le reconnaître en 1982 lors de la parution de son manuel, les théories de la croissance de l’époque ne pouvaient prétendre atteindre aucun de ces objectifs, véritables défis légués aux générations suivantes dethéoriciens. Dans cette conférence, nous soutiendrons que l’apparition, au cours des 12 dernières années, d’une nouvelle vague de modèles de croissance – dans lesquels la croissance est induite, non seulement par l’accumulation du capital et l’épargne, mais, plus fondamentalement, par les activités des entrepreneurs ou les innovations, lesquelles sont elles-mêmes stimulées ou facilitées pardiverses caractéristiques de l’environnement institutionnel – a radicalement changé la situation, en mettant à notre portée la solution des 3 défis précités. Cette conférence est structurée comme suit : la première section démontre brièvement que les modèles de croissance basés sur l’accumulation du capital ne
460
L’ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE
peuvent pas expliquer, en même temps, la croissance à longterme et la convergence de divers pays, sans compter qu’ils sont pratiquement muets au sujet des institutions; la deuxième section présente le nouveau paradigme de la croissance et soutient que celui-ci permet pratiquement de relever les deux premiers défis; la troisième section montre, avant de conclure, que le nouveau paradigme de la croissance peut facilement être développé de façon à rendreendogènes les transformations institutionnelles et à les relier aux changements technologiques endogènes, répondant ainsi au troisième défi. 1. LES LIMITES DES MODÈLES DE CROISSANCE BASÉS SUR L’ACCUMULATION DU CAPITAL 1.1 Le modèle néoclassique L’idée que la création de connaissances est critique pour la croissance économique à long terme est certainement la proposition la plus importante qui…