Les pensée
Pensées, Section V, n°323, Qu’est-ce que le Moi ? (Pascal)
Nous sommes ici face à un texte de Blaise PASCAL (1623 – 1662), Section V n°323 des Pensées. Il semble que ce dernier ne soit autre qu’une réflexion portant sur la question « qu’est-ce que le moi ? » mais aussi « peut-on aimer une personne », de façon liée et logique.
Pascal procède par examen successif d’hypothèses qu’il élimine. Ils’agit d’une approche négative de la question. La réflexion porte essentiellement sur des exemples et en particulier l’exemple de l’amour. L’objectif de l’auteur est donc double : il s’agit ici d’établir une définition, celle du « moi », même si cette définition va s’avérer impossible, mais il s’agit aussi d’amener le lecteur à réviser une opinion, celle qui prétend qu’on peut aimer quelqu’un.Toute notre explication se fondera donc autour de la question clef de ce texte à savoir « qu’est-ce que le moi » et il sera intéressant de se demander tout d’abord si « le moi » est un ensemble de qualités physiques, pour ensuite tenter de savoir si il représente des qualités morales ou psychologiques : s’il est le corps, l’âme, les deux ou rien de cela. Enfin, et si ces critères ne semblent passuffisant, il s’agira alors d’effectuer une réflexion philosophique quant à la détermination de la nature de ce fameux « Moi ».
I – Le moi: une définition quantitative ?
A – Le moi en tant que somme des qualités physiques.
« Mais celui qui aime quelqu’un à cause de sa beauté, l’aime-t-il ? Non : car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus. »L’auteur en une phrase nous expose non seulement un exemple très efficace de par sa clarté mais aussi un point de vue qui l’est tout autant.
En effet, n’est-ce pas pour la beauté qu’on tient, qu’on aime quelqu’un, une personne ? Le premier regard à cette même personne n’est-il pas dirigé en fait par l’attirance physique qu’on peut éprouver face à elle ? Pascal s’oppose ici totalement au faitqu’on puisse aimer une personne dépourvue subitement de beauté : la beauté est pour lui la clef de l’union amoureuse mais si elle disparaît, l’amour disparaît à son sens tout aussi logiquement, et c’est précisément l’idée qu’il nous expose avec cet exemple de la petite vérole, qui dévisagera et « tuera la beauté sans tuer (pourtant) la personne » entraînera inévitablement la mort de l’amour ; Leprestige qu’inspire d’aimer et d’être aimé d’une personne pourvue de beauté provoque donc la mort de l’amour sans beauté, puisque sans le prestige, la honte apparaît au contraire logiquement, puisque si on est fier de marcher au bras d’un être d’une beauté pure on a honte d’accompagner une même personne d’une laideur repoussante ; en effet Pascal déduit sans cérémonie que l’absence de beauté estégal alors à l’absence d’amour et on peut imaginer d’autres raisons à cela : en effet cela peut dépendre du choix qu’on a fait au départ : si l’on est tout d’abord attiré par la beauté, on va donc aimer cette beauté et la considérer comme acquise et comme condition à notre amour, et c’est précisément pourquoi lors de sa disparition le contrat de notre amour sera comme trahi et disparaîtra donc ; Maissi la petite vérole ou une autre de ce genre n’apparaît jamais, comment savoir alors si l’on a aimé pour la beauté ou si l’on a aimé pour la personne, sachant que, en vue de ce cas précis, on aura jamais eu matière à contester l’un ou l’autre ? Pascal est très clair : si l’on aimait vraiment une personne en soi – autrement que pour sa beauté, alors notre amour survivrait aisément à la perte d’unequalité si superficielle que la beauté, qui ne représente d’ailleurs qu’une parcelle de la personne ; si l’amour n’y survit pas, alors cet amour – au sujet duquel on peut même se poser des questions, alors, sur sa raison d’exister – n’est dédié qu’à une qualité, et la personne n’est alors que l’hôte de cette qualité, sur lequel cet amour n’a en réalité aucun regard profond car, comme aveuglé…