Renseignement et intelligence économique

décembre 10, 2018 Non Par admin

Analyse de la confusion qui règne autour de la fonction renseignement et de ses conséquences pour l’intelligence économique
L’annonce en 2007 du regroupement des services de renseignement du ministère de l’intérieur mettait en évidence quelques confusions intéressantes à analyser pour mieux comprendre comment l’usage malheureux d’un vocabulaire assurément équivoque peut aggraver le désordre quirègne autour de la fonction renseignement et de son application au domaine économique. Désormais vitale dans l’entreprise, pour « savoir » afin d’agir dans une compétition économique de plus en plus exigeante, cette fonction mérite d’être mise à nue afin d’en extirper toutes les ambiguïtés.
Étonnante, cette réorganisation entreprise en 2007 par le ministère de l’Intérieur ! Prétendant en effet »recentrer le renseignement sur ses missions », elle a pour résultat d’en restreindre l’application à un domaine de lutte incomplet, alors qu’en même temps, elle élargit en réalité sa fonction jusqu’à empiéter sur des activités policières non spécifiques du renseignement. Il en résulte un certain désordre, dont la mission intitulée « Protection du patrimoine et intelligence économique » donne unsaisissant exemple. D’anglicisme en néologisme, cette mission à la formulation pour le moins ambiguë, qu’une analyse détaillée semble devoir limiter au contre-espionnage économique, conduit à faire l’amalgame entre intelligence économique et espionnage. D’où l’interprétation étonnante faite par certains observateurs qui évoquent une mission de « lutte contre l’intelligence économique », donnant ainsi àl’intelligence économique un caractère manifestement illégal bien peu compatible avec l’image de respectabilité qu’il conviendrait de lui assurer.
Ces confusions qui affectent la fonction renseignement montrent à quel point son incorporation dans cette discipline plus vaste aux limites encore trop incertaines qu’est l’intelligence économique « à la française », forme un amalgame complexe à manipuler etrend indispensable cet effort de clarification. Il est nécessaire en particulier de marquer des frontières nettes entre renseignement et opérations, ainsi qu’entre renseignement et recueil, de distinguer clairement renseignement et savoir, recherche et recueil, fonction renseignement et cycle opérationnel du renseignement, afin d’éviter tout amalgame entre renseignement et clandestinité.
Lafonction renseignement répond à un besoin de savoir pour agir. Elle exploite des « faits » avérés, dont elle organise le « recueil » en animant le cycle opérationnel du renseignement grâce à une « orientation » de l’ensemble des « capteurs » que constituent tous les acteurs de la communauté au profit de laquelle elle s’exerce. Les renseignements ainsi reçus de ces différentes « sources » sont ensuite »capitalisés » sous forme de « données », puis corrélés afin de constituer un réservoir de « connaissances » destiné à « communiquer » en temps utile à la communauté les « savoirs » argumentés qui lui sont nécessaires pour décider dans l’action. Sa mise en œuvre ne présume en rien du caractère licite ou illicite des moyens de recueil qu’elle pilote mais dont la pratique lui échappe, ni du caractère « ouvert » ou secretde l’information recueillie. Elle est indépendante de toute notion de clandestinité et ne peut en aucun cas être confondue avec l’espionnage, fonction de recueil pratiquée par des capteurs en situation de clandestinité.
Là où l’anglais n’utilise le plus souvent qu’un terme générique pour désigner deux pratiques fondamentalement différentes sur le plan de la légalité, le français permet de marquercette différence en utilisant deux mots distincts, selon que le recueil est licite (renseignement) ou illicite (espionnage). Il faut en profiter pour clarifier le vocabulaire et redonner à la fonction renseignement toute la respectabilité qu’elle mérite en favorisant l’étude approfondie des spécificités de cette fonction essentielle tant dans le domaine militaire que policier. Son application…