La musique en colère
Christophe Traïni, docteur en science politique, est maître de conférences en science politique à l’IEP d’Aix-en-Provence. Il a consacré sa thèse de doctorat à l’étude des transformations et évolutions des formes d’engagement à partir de terrains d’enquêtes français et italiens. Dans le prolongement de ses premiers travaux, il se propose d’étudier les relations étroites qu’entretiennent lesévolutions, d’une part des modalités de construction des causes collectives, et d’autre part des modes d’élaboration des décisions politiques.
La musique en colère est un ouvrage qui étudie les propriétés de la musique ainsi que la relation avec les mobilisations collectives. Elle est vue comme un objet artistique, mais également (pour le sociologue) comme un condensé de représentations sociales quipeuvent permettre et favoriser les mobilisations sociales. La musique et les modes d’identité sont souvent mobilisés dans le cadre des mouvements contestataires, politiques ou sociaux : « Aucune révolte, aucune mobilisation sociale d’importance ne semble avoir pu se passer de pratiques musicales ou chorales » (p. 7). L’utilisation de la musique par les acteurs politiques et sociaux s’avère êtredifficile cependant.
Quelles sont les relations entre la musique et la politique ? Comment la musique intervient elle dans les conflits politiques, sociaux ou contestataires ?
Christophe Traïni tente de répondre à ces questions tout au long de cet ouvrage.
En commençant par une analyse de la communication musicale et de l’expression des émotions dans le premier chapitre, « Contester enmusique », l’auteur montre pourquoi « cet art singulier peut effectivement participer à des entreprises de type protestataires » (p.11). Ainsi le chant et les sons peuvent provoquer des états affectifs, « agir physiquement sur les corps » (p.13), influencer les comportements qui peuvent contribuer aux phénomènes contestataires ou remplir des fonctions sociales et politiques. Christophe Traïni tente deproposer des outils d’analyse permettant d’identifier les conditions et les procédés qui amènent la musique à contribuer au développement des mouvements contestataires.
Dans le second chapitre, « Amplifier la contestation », l’auteur s’interroge sur l’implication en pratique des objets musicaux dans les mouvements contestataires. Il déclare que la musique peut y être pratique et nous indiqueles manières et les conditions de réalisation: il s’agit de produire des états affectifs utiles à la mobilisation collective, de provoquer un « choc moral » en contribuant à l’identification des mouvements contestataires par « un travail de filiation historique, qui institue une mémoire » (p. 29), mais aussi de fournir aux mouvements sociaux une manière de contourner la censure de l’état, chacunpeut ainsi critiquer les autorités et les systèmes de valeurs établis, la musique remplit également des fonctions informatrices et moralisatrices que les auditeurs peuvent retranscrire et déchiffrer.
Le chapitre 3, « Musique et tactique politique » décrit les différents types de relations qui existent entre la production artistique musicale et les acteurs politiques. L’auteur examine le rôle dela musique « dès lors qu’elle est impliquée dans le jeu politique auquel participent acteurs politique et protestataires » (p.72). La musique peut adopter des symboliques politique contestataires en détournant des symboles politisés (tels que les hymnes nationaux), par la mise en avant des modes de vie dominés, dominants ou marginaux comme dans le rap et la punk, et en incluant des élémentsmusicaux proches de sujets à forte connotation politique (musiques traditionnelles).
Lorsque la communication musicale devient politisée, elle est souvent reprise par les acteurs politiques qui ont tendance à instrumentaliser les œuvres, les genres mais aussi l’image des auteurs musicaux. Cette logique d’instrumentalisation peut être indépendante de la volonté des musiciens qui ne peuvent…