Dissert andromaque voltaire
Sous l’apogée du Roi-Soleil Louis XIV, Racine écrit Andromaque pour offrir à la comédienne Thérèse du Parc un rôle à sa mesure. Mais plus que le résultat d’une relation amoureuse, la pièce sera un calque de la vie du Roi et connaîtra un succès qui propulse son auteur au rang de dramaturge célèbre, devant son rival Corneille.
Voltaire, un siècle plus tard, dans ses Remarques sur le troisièmediscours du poème dramatique de Corneille, écrira : «Il y a manifestement deux intrigues dans l’Andromaque de Racine, celle d’Hermione aimée d’Oreste et dédaignée de Pyrrhus, celle d’Andromaque qui voudrait sauver son fils et être fidèle aux mânes d’Hector. Mais ces deux intérêts, ces deux plans sont si heureusement rejoints ensemble que, si la pièce n’était pas un peu affaiblie par quelques scènes decoquetterie et d’amour […], elle serait la première tragédie du théâtre français. »
Voltaire met en évidence la chaîne de passions malheureuses que les deux intrigues de la pièces forment. Mais si pour lui cette structure fatale ne pouvant amener que la catastrophe est l’essence même de la tragédie française, quelques scènes de coquetterie et d’amour viennent entamer la perfection de cettemécanique tragique.
On peut donc se demander en quoi le traitement de Racine vient moderniser le théâtre tragique classique pour faire de sa pièce le reflet de son époque.
Après avoir mis en évidence l’imbrication des deux intrigues en une chaîne d’amours contrariés, nous observerons les marques de coquetteries dénoncées par Voltaire, pour enfin dégager la touche moderne que Racine a donné à sonAndromaque.
Pour commencer, posons clairement la chaîne des passions présente dans la pièce, et caractéristique des tragédies françaises : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui elle reste fidèle à Hector. Le dernier maillon étant mort, il y a impossibilité de résolution.
La première intrigue tournerait autour d’Hermione qui aime sans retour et reproduit ce schéma surOreste. Dans ce cas, l’amour est un sentiment égoïste visant à la seule satisfaction personnelle et qui s’entête avec colère. Les personnages, comme nous le verrons un peu plus loin, sont dans l’excès et aveuglés par leur désir. D’un autre côté, on a l’intrigue tournant autour d’Andromaque, femme fidèle et raisonnée, aussi pragmatique que les autres sont violents, qui cherche à sauver son fils sanspour autant sacrifier sa fidélité à un mari tué par son prétendant.
Et s’il y a deux intrigues dans la pièce, il y a aussi deux catégories de personnages : d’un côté l’absolutisme d’Andromaque, et de l’autre la fureur des nobles. Les deux évoluent dans des « mondes » différents ce qui donne son caractère pathétique à la pièce et lie les deux intrigues. Andromaque et son fils on conscience dumonde réel tandis que les nobles s’inventent un monde illusoire pour satisfaire leurs appétits. Ils violents, parlent de mort et l’envisagent sans ambages excepté lorsqu’il s’agit de l’objet de leur passion. S’il disparaissait, ils seraient à jamais frustrés de n’avoir pu assouvir leur désir égoïste.
La tension que leurs volontés diffuse lie Andromaque à un destin tragique. Déjà veuve, seulesurvivante (excepté son fils) de tous les Troyens, elle voit sa mort différée mais toujours présente, et accompagné de celle de son fils unique, dernier vestige vivant de son amour véritable pour Hector. C’est sur ceci que repose la seconde intrigue citée par Voltaire. Ce qui la lie à la seconde, c’est que, si Pyrrhus désire Andromaque, Hermione elle désire Pyrrhus. Et tous se retrouvent imbriquésdans un jeu créé par des « si » et reposant uniquement sur du conditionnel.
De plus, la fatalité amoureuse liée aux intérêts de l’état ne peut mener qu’à la catastrophe, ce qui n’est pas sans rappeler l’intrigue de Titus et Bérénice, de Racine également. Et même si cette autre tragédie excluait la mort, Andromaque suit la tradition dramatique et termine logiquement pas un écrasement de…