Régime politique

novembre 30, 2018 Non Par admin

Cahiers de recherches médiévales et humanistes
Journal of mediev al and humanistic studies

4 | 1997 : Être père à la fin du Moyen Âge

Les limites de l’autorité paternelle face aux droits patrimoniaux dans le Gévaudan médiéval (fin XIIIe-fin XVe siècles)
PHILIPPE MAURICE

Texte intégral
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Sous l’Ancien Régime, l’autorité du père nous paraît souv ent incontestable, peu éloignée de lapatria potestas romaine 1 . Mais les juristes ont décelé une différence bien nette entre ces deux formes du pouv oir paternel en constatant que les droits du père romain ne cessaient qu’à la mort de ce dernier, alors que les coutumes des div erses régions de la France limitaient l’ex ercice du pouv oir du père, dans le temps, du fait de l’accès à la majorité de l’enfant 2. Nos trav aux sur le Gévaudan nous autorisent à aller plus loin et à affirmer que le pouv oir paternel était susceptible d’être contesté. Cependant, nous rappellerons que l’autorité d’un homme dépend de deux rapports de force, l’un est primitif et relèv e de l’ascendant personnel ex ercé par un indiv idu, l’autre est social et découle du Droit 3. La conjugaison de ces deux influences détermine le rôle et la place dechacun dans le cadre des relations humaines et, en l’occurrence, dans la cellule familiale. L’ascendant du père est une donnée subjectiv e difficile à appréhender, sauf à l’aide de documents spécifiques, comme les lettres de rémission ou les chroniques par ex emple. Une certitude s’impose, le pouv oir dépend généralement du sex e (masculin), de l’âge (le plus ancien) et du rang dans l’ordregénéalogique (le père, v oire le grand-père) qui déterminent tous un ascendant naturel et confèrent une aura de force, d’ex périence et de

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sagesse. Le chef de famille est donc le père le plus âgé, ou « le v ieux père » lorsqu’un aïeul v it encore 4. Dans cet article, notre réflex ion s’étaiera principalement sur les sources notariales, afin de démontrer que les droits dont chaque membre dela famille jouit sur la possession du patrimoine permettent une redistribution des influences lors des décisions prises dans l’oustau 5, remettant occasionnellement en question l’ordre primitif. En outre, elle repose sur l’ex emple du Gév audan de la fin du XIII e siècle à la fin du XV e siècle 6, liv rant ainsi un ex emple régional qui n’est pas forcément ex portable dans les autres pay s del’ancienne France, même si nous le supposons adaptable à bien des régions du Midi et plus particulièrement du Languedoc dont il fait partie 7 . Nous v enons de dire que l’autorité paternelle était limitée dans le temps et s’ex erçait sur les enfants non majeurs, ce qui nous contraint à préciser à quoi correspondait la majorité. En Gév audan, comme en Forez, ex iste une double majorité. La premièresurv ient à la puberté qui se situe aux alentours de la quatorzième année. A cet âge, l’orphelin se libère généralement de son tuteur qui l’administrait entièrement afin de prendre un curateur qui le conseillera et l’autorisera à passer des contrats ; en somme, le pubère jouit du pouv oir d’agir personnellement av ec le conseil de son curateur. Ensuite, à v ingt-cinq ans, l’enfant dev ient majeurd’âge et effectiv ement capable en toute chose 8. Cependant, deux choix de v ie remettent en cause cette norme, la situation du fils de famille et l’émancipation. En effet, l’homme marié qui v it sous le toit paternel, autrement dit le « fils de famille », demeure soumis aux commandements du père, quand bien même il a lui-même des enfants, et cela jusqu’au décès de l’auteur de ses jours. A ucontraire, le fils émancipé, même âgé de moins de v ingt-cinq ans et v iv ant près de son père, dev ient capable et majeur 9. Enfin, quelques ex ceptions classiques autorisent la remise en cause du droit que le père a de diriger ses fils : la folie et la prodigalité 1 0 . De plus, à plusieurs reprises, nous rencontrons des fils qui, du v iv ant de leur père, sont placés sous la curatelle d’un tiers….