Travailleurs handicapés

décembre 2, 2018 Non Par admin

Source complète : L’Etabli, par Robert Linhart, Les Editions de Minuit, 1978.

Voici d’abord le résumé que l’on retrouve au dos de la couverture du livre :
 » L’Etabli, ce titre désigne d’abord les quelques centaines de militants intellectuels qui, à partir de 1967, s’embauchaient, “ s’établissaient ” dans les usines ou les docks. Celui qui parle ici a passé une année, comme 0.S. 2, dansl’usine Citroën de la porte de Choisy. Il raconte la chaîne, les méthodes de surveillance et de répression, il raconte aussi la résistance et la grève. Il raconte ce que c’est, pour un Français ou un immigré, d’être ouvrier dans une grande entreprise parisienne.
Mais L’Etabli, c’est aussi la table de travail bricolée où un vieil ouvrier retouche les portières irrégulières ou bosselées avant qu’ellespassent au montage.
Ce double sens reflète le thème du livre, le rapport que les hommes entretiennent entre eux par l’intermédiaire des objets : ce que Marx appelait les rapports de production. « 

**********************
Chapitre I. – Le premier jour. Mouloud (9-26)[1]
L’Etabli décrit le « mouvement lent et continu de la chaîne » de production. « Dans les interstices de ce glissement gris,j’entrevois une guerre d’usure de la mort contre la vie et de la vie contre la mort. La mort : l’engrenage de la chaîne, l’imperturbable glissement des voitures, la répétition de gestes identiques, la tâche jamais achevée. Une voiture est-elle faite ? La suivante ne l’est pas, et elle a déjà pris la place. » (13)
Présentation de Gravier : contremaître
Présentation de Mouloud : ouvrier algérien, soudeurà l’étain. C’est un immigré qui pense à son retour au pays. Il aide l’Etabli à satisfaire les cadences.
L’Etabli raconte comment il a réussi à se faire embaucher. (15-16)
La gestion du personnel de Citroën est particulière. « Moment favorable : en ce début de septembre 196 Citroën dévore de la main-d’oeuvre. La production marche fort et on comble les trous que le mois d’août a creusé dansl’effectif des immigrés : certains ne sont pas revenus de leur congé lointain, d’autres rentreront en retard et apprendront, désespérés, qu’ils sont licenciés (“ On s’en fout, de tes histoires vieille mère malade, du balai ! ”), déjà remplacés. On remplace sec. De toute façon, Citroën travaille dans l’instable : vite entré, vite sorti. Durée moyenne d’un ouvrier chez Citroën : un an. “ Un turn-over élevé”, disent les sociologues. En clair : ça défile. » (16-17)
L’Etabli explique comment s’opère la hiérarchie des échelons à Citroën : « Je m’étonne. (Mouloud) n’est que manœuvre ? Ce n’est quand même pas si facile, la soudure à l’étain. Et moi qui ne sais rien faire, on m’a embauché comme “ ouvrier spécialisé ” (0.S. 2, dit le contrat) : 0. S., dans la hiérarchie des pas-grand-chose, c’est pourtantau-dessus de manœuvre … (…) Il y a six catégories d’ouvriers non qualifiés. De bas en haut trois catégories de manœuvres (M. 1., M. 2, M. 3) trois catégories d’ouvriers spécialisés (0. S. 1, 0. S. 2, 0. S. 3). Quand à la répartition, elle se fait d’une façon tout à fait simple : elle est raciste. Les Noirs sont M. 1, tout en bas de l’échelle. Les Arabes sont M. 2 ou M. 3. Les Espagnols, lesPortugais et les autres immigrés européens sont en général 0. S. 1. Les Français sont, d’office, O.S. 2. Et on devient 0. S. 3 à la tête du client, selon le bon vouloir des chefs. Voilà pourquoi je suis ouvrier spécialisé et Mouloud manœuvre, voilà pourquoi je gagne quelques centimes de plus par heure, quoique je sois incapable de faire son travail. » (24)

Chapitre II. – Les lumières de la grandechaîne (27-59)
Ne faisant pas l’affaire, l’Etabli doit changer de poste : dans un premier temps, il pose les vitres puis les sièges.
Présentation de Huguet : chef du personnel. Il gère les retards à l’aide d’une pointeuse. C’est un autre moyen de faire pression sur les ouvriers. (30)
Présentation de Dupré : chef d’équipe. (31)
Certaines tâches sont rémunérées « au boni » (32, 41), c’est un…