Théorie classique
Théorie classique
Division du travail
On ne peut faire la généalogie du taylorisme sans rencontrer la division du travail.
L’ingénieur américain ne l’a pas inventée, il ne l’a pas découverte, il l’a reprise à une très vieille tradition progressivement recouverte par d’autres préoccupations.
LA LONGUE MARCHE D’UN CONCEPT
Les historiens de l’économie attribuent à Adam Smith la paternité duconcept. En fait, il a déjà une longue histoire lorsque Smith le reprend. Son élaboration a commencé bien plus tôt. On en trouve trace dans deux domaines :
* dans les ouvrages des philosophes qui font de la division du travail le mécanisme du lien social : Hume, Beccaria… Hume introduit la “division des tâches” dans un assage dans lequel il s’interroge sur les fondements de lasociété3. Il l’associe à l’union des forces et à l’aide mutuelle. La division du travail est une des moteurs de la constitution de la société. Elle crée la dépendance : j’ai besoin de l’autre pour travailler.
* dans la littérature technique qui décrit les méthodes mises en œuvre par les industriels. Le plus connu de ces textes est celui de l’Encyclopédie dans lequel ondécrit la fabrication d’aiguilles à Aigles en Normandie. Il ne s’agit plus, là, de théorie de la société, mais d’organisation.
“en divisant et subdivisant les occupations d’un grand service en de nombreuses parties, on peut rendre le travail de chacun si clair et si certain qu’une fois qu’il en aura un peu pris l’habitude, il lui sera presque impossible de commettre des erreurs.” (Fable2, p.267)
« La division du travail présente cet avantage, imparfaitement apprécié jusqu’à ce jour, qu’elle permet de n’appliquer à chaque procédé et que par conséquent elle permet de n’acheter que le degré exact de capacité et d’instruction que réclame l’exécution de ce même procédé. »
Spécialisation
A l’inverse de Turgot, Smith entre dans l’intimité des ateliers. Il commence par l’analysed’un exemple emprunté au métier de la forge et choisit, volontairement, la plus modeste de ses productions : le clou. Il compare trois cas :
– le forgeron “ordinaire qui, bien qu’habitué à manier le marteau n’a cependant jamais été habitué à faire des clous”. En une journée, il produit de 200 à 300 clous ;
– celui qui “aura été accoutumé à en faire, mais qui n’en aura pas fait son unique métier”. Ilproduit en une journée 800 clous, soit de 3 à 4 fois plus que son collègue ;
– les jeunes gens “n’ayant jamais exercé d’autre métier que celui de faire des clous” qui peuvent, “lorsqu’ils sont en train”, en produire plus de 2300 par jour.
Tous ces forgerons utilisent les mêmes outils, les mêmes méthodes de travail : “la même personne fait aller les soufflets, attise ou dispose le feuquand il en est besoin, chauffe le fer et forge chaque partie du clou.” Adam Smith mesure les effets de la spécialisation. Et, plus précisément, de la courbe d’apprentissage.
Standardisation :
Le texte d’Adam Smith inspira, en France, d’autres spécialistes. Le plus intéressant, en ce début de siècle, est Gérard Christian. Ce savant, qui fut directeur du Conservatoire Royal des Arts et Métiers,n’a laissé à peu près aucune trace.
Mais, le plus intéressant est certainement sa théorie de la standardisation, l’une des premières jamais proposées.
Les analyses de Christian partent d’une intuition : il y a une relation entre la difficulté d’un travail et la nature du produit fabriqué. Il distingue : Les produits qu’ils fabriquent “présentent une grande variété de formes et de dimensions.”S’exécutent, à l’inverse, machinalement les travaux qui ne présentent que peu de variations de formes.
Dans la mesure où la division du travail consiste à remplacer des opérations complexes par une série d’opérations simples, on ne peut la mener à terme sans une redéfinition des produits, et une démarche de standardisation.
– les tâches qui demandent “une attention soutenue de la part de…