Stratégie et doctrine
Un CF-18 canadien à Aviano, en Italie, pendant l’opération « Écho », la campagne aérienne au Kosovo et en Serbie.
LE RÔLE DE LA RÉFLEXION STRATÉGIQUE DANS LA DÉFENSE
par le lieutenant-général K.R. Pennie
L
a réflexion stratégique est un défi pour toute organisation de défense, mais elle pose des problèmes particulièrement aigus au Canada. En fait, la mission des Forces canadiennes (FC),qui est de défendre le Canada et de contribuer à la paix et à la stabilité internationales, repose sur de bonnes évaluations stratégiques qui sont, elles, le fruit d’une réflexion stratégique solide. La situation géographique du Canada et le fait qu’il a de puissants alliés donnent au pays l’impression d’être plus ou moins protégé des menaces directes. Ces facteurs conditionnent aussi le publicet le gouvernement canadiens à penser aux dépenses consacrées à la défense en termes discrétionnaires. Sans doute à cause de la taille assez modeste des FC, on a tendance à se concentrer sur les questions plutôt immédiates. Puisque chaque question du jour les accapare, les hauts dirigeants des FC ont peu de temps à consacrer à la réflexion stratégique ou à la planification à long terme. Cela étaitparticulièrement évident lors des contrecoups de l’affaire de Somalie et des coupures budgétaires des années 1990. Le but de cet article est d’attirer l’attention sur certains progrès récents et d’illustrer à quel point il est nécessaire d’élever le niveau de la réflexion stratégique au Canada. Définir avec précision ce qu’est la réflexion stratégique est en soi difficile, mais c’est le mot «stratégique » qui pose le plus de problèmes. Pour plusieurs de nos alliés, le niveau stratégique de la guerre se place au plus haut niveau politique et militaire, celui qui implique des décisions de grande portée liées étroitement aux intérêts nationaux ou aux objectifs de la politique étrangère.
Automne 2001
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Diverses autorités définissent des niveaux de réflexion stratégique différents etmultiples, depuis la grande stratégie, la stratégie de sécurité nationale, en passant par la stratégie militaire, jusqu’aux opérations tactiques1; mais le mot stratégique s’applique plus correctement aux niveaux les plus hauts. Cet article désappointera ceux qui pensent que le terme stratégique implique forcément la création et le déploiement de grandes forces terrestres, maritimes ou aériennes,choses que le Canada a déjà faites par le passé. Mais il faut que la réflexion stratégique commence par les éléments de base. Cela inclut le perfectionnement et la maîtrise intellectuelle, et pas uniquement l’utilisation, de toutes les ressources de l’État dans le but de mettre sa politique en application dans l’exercice de la guerre2. Si d’une part, cet article reconnaît que la conscience stratégiquenationale exige une compréhension en profondeur des orientations de la vie internationale et domestique, il s’intéresse avant tout à la manière dont le MDN et les FC pourraient d’améliorer leur rendement dans ce domaine. Pour une force de défense de petite taille dans un pays dont les intérêts nationaux sont ambigus, la clarté du contexte stratégique pose un défi supplémentaire. Étant donné queles opérations au niveau d’un corps ou à des niveaux plus petits sont considérées comme essentiellement tactiques, l’officier moyen
Le lgén K.R. Pennie occupait encore récemment le poste de Directeur général de la planification stratégique (DGPS) au quartier général de la Défense nationale. Il est actuellement Commandant adjoint du NORAD à Colorado Springs.
Revue militaire canadienne
21Photo du MDN CKD9 256
STRATÉGIE ET DOCTRINE
passera la plus grande partie de sa carrière à s’occuper de questions purement tactiques. Puisque les activités pratiquées par les FC conditionnent les militaires à penser le plus efficacement et le plus clairement au niveau tactique, ils doivent se hisser au niveau stratégique s’ils veulent comprendre les objectifs, les procédés et les moyens du…