Ronsard – continuation des amours – sonnet 23
Ronsard
Sonnet 23
Continuation des amours
Barbabianca Gilles
· Analyse
Mignongne, / levés-vous, // vous estes / paresseuse,
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Le substantif « mignonne » peut être perçu de deux façons différentes.D’une part il renvoie à ce qui charme par sa grâce, par sa délicatesse, par sa complaisance, par sa douceur et par sa gentillesse, mais d’autre part il peut aussi être synonyme de maîtresse et d’amante. Le poète semble donc jouer sur les deux notions. Il mélange ici son désir personnel avec la description de Marie. Notons par ailleurs que le rythme et le mètre sont très réguliers, ce qui montre bienqu’il y a une absence de toute tension et de tout stress. D’ailleurs l’adjectif « paresseuse » souligne cet état d’esprit étant donné qu’il reflète la dolce vita, le bonheur terrestre et l’absence d’obligations. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’allitération en [v] reproduit les sonorités d’une légère brise qui vient frôler sa très chère Marie.
Jà / la gaie Alouette // au ciel / afredonné,
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Le deuxième vers poursuit sur cette lancée, en introduisant un élément naturel qui est « l’Alouette ». L’alouette des champs est la plus répandue dans nos régions. Cet oiseau a la spécificité de produire un magnifique chant pendant son vol, symbole de gaieté et de bonheur. On serait même tenté de parler de réduplication synonymique qui sertde renforcement, étant donné que l’adjectif « gaie » nous informe déjà sur la situation idyllique de cette scène. En outre la référence aux nues introduit la dimension de hauteur et contribue à renforcer le fossé qui existe entre la réalité terrestre et cette douce description merveilleuse. Le bonheur, la joie de vie et la douceur sont donc les mots-clefs. D’un point de vue phonique, la présencede nombreuses allitérations en [a] semble contribuer au rythme mélodieux du vers.
Et jà / le Rossignol // frisquement / jargonné,
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Ronsard reprend dans cet alexandrin la même thématique et introduit le « Rossignol », dont la particularité est de produire un chant magnifique pendant la période des amours. Il y a probablement un parallèleentre le poète et ces deux oiseaux, étant donné que lui aussi chante son amour pour Marie grâce à ce sonnet, symbole de poésie mélodieuse. La répétition de l’adverbe « jà » rend compte de l’impatience de l’écrivain qui ne désire qu’une seule chose : Que cette journée débute afin qu’il puisse subjuguer sa belle amie. Tous ces éléments caractéristiques sont par ailleurs reflétés dans le schéma de larime, qui est riche ! Elle symbolise ainsi le bonheur, la mélodie d’où les verbes « fredonner » et « jargonner » ainsi que le désir du poète.
Dessus l’espine / assis, // sa complain/te amoureuse.
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La description de la passion amoureuse de l’auteur se dessine petit à petit à travers ce sonnet. C’est dans ce quatrième versqu’apparaît le premier terme reflétant cette ardeur : « [la] complainte ». L’analyse de se terme est plus expressive d’un point de vue comparatiste. En effet en allemand nous dirions « Klagelied » qui, si nous le décomposons, nous donne « chanson de plainte » (l’éligie). Ce terme est majoritairement utilisé dans le cadre amoureux et renvoie de nouveau au chant qui est un des thèmes centraux de cesonnet. Bien que l’amour soit à priori perçu positivement, l’épine qui est un arbre ou arbrisseau dont les branches ont des piquants, contraste fortement avec l’aspect éclatant de l’amour. Ronsard nous démontre par le biais de ce vers que l’amour a deux faces, il peut être à la fois synonyme de bonheur mais aussi équivalent à la douleur. Douleur qui est d’ailleurs reflétée phonétiquement par la…