Olivier deloignon, sur le graphisme.

novembre 15, 2018 Non Par admin

Compte rendu par Olivier Deloignon, École supérieure des arts Décoratifs, Strasbourg
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Nombre de mots : 2272 mots
Publié en ligne le 2009-12-21
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=533

Le graphisme est un terme renvoyant d’abord au caractère propre de l’écriture ou du dessin puis àl’aspect esthétique de l’agencement de signes sur un ensemble plus vaste, la composition graphique. Par extension, le vocable désigne la communication visuelle. Icône renvoie immanquablement à la peinture religieuse byzantine mais est employé ici comme référent au caractère presque sacral, en tout cas emblématique, de certaines représentations graphiques. L’ouvrage de Steven Heller et de Mirko Ilic,Icônes du graphisme. Influences & inspirations d’hier & d’aujourd’hui, publié à Paris chez l’éditeur Thames & Hudson en 2008 postule traiter, selon son sous-titre, des sources iconographiques de la communication visuelle en montrant comment des images « tutélaires », les icônes du titre, ont profondément influencé l’esthétique graphique. Le livre est précédemment paru, chez le même éditeur, en langueanglaise sous le titre Icons of Graphic Design à Londres en 2001, puis a été réédité sous une forme augmentée en 2008 et traduit à cette occasion en français par Hélène Odou.

La communication graphique est un domaine fort peu étudié quant à ses procédés de création et à ses sources iconographiques propres. Ce manque est d’autant plus étonnant que l’histoire du graphisme, ou de lacommunication graphique, sort depuis quelques années du domaine assez confidentiel des publications à usage professionnel pour entrer dans les champs de l’histoire de l’art. C’est ce qui fait, a priori, tout l’intérêt du propos. L’ouvrage souhaite montrer que le graphisme moderne, apparu dans les dernières décennies du XIXe siècle, est un « univers en expansion » continue qui s’est largement nourri dudialogue entre les arts plastiques et les arts appliqués, notamment le design. L’approche particulière retenue par les auteurs consiste à relier créations emblématiques nommées pour l’occasion « icônes », sources et dérivations. Pour appuyer cette approche, ils procèdent d’un principe de juxtaposition visuelle, qui permet de regrouper nombre de réalisations graphiques sous une série dethématiques génériques, tout en classant chaque thème selon un ordre millésimé. Il s’agit de montrer la manière dont les graphistes ont transformé leur langage plastique puisant dans les formes d’art vernaculaire ou plus savant, d’abord de manière empirique puis en assimilant les novations formelles de figures particulièrement prégnantes de leur discipline, les acquis des avant-gardes et des théoriciens dela communication. L’ouvrage est à dominante iconographique revendiquant la présentation de 108 œuvres phares en autant de chapitres à l’aide de 967 illustrations en tout.

S’appuyant sur le célèbre acronyme de Raymond Lœwy, faisant office de profession de foi, MAYA (Most Advanced Yet Acceptable), les auteurs avancent que le graphisme contemporain ne doit pas se lire à l’aune desprojets les plus novateurs mais à celle de leur réception par le public. Cette affirmation justifie le parti-pris éditorial de montrer, d’une part, le développement d’« archétypes de formes » parfois avant-gardistes et, de l’autre, d’éclairer les adaptations accompagnant momentanément la « surface des formes » vers l’acceptation par le public. C’est ainsi que l’histoire des avant-gardes prônant unrapprochement avec le graphisme, depuis les néo-plasticiens, Dada, les futuristes ou la Nouvelle typographie est celle de l’invention la plus radicale tandis que le langage commun du graphisme s’est employé à rendre « acceptables » ces novations non transposables directement. Car le graphisme, contrairement aux arts plastiques, est avant tout dépendant du commanditaire, de la fonction attendue…