Mohammed arkoun, défenseur de l’islam

décembre 7, 2018 Non Par admin

La question de la réforme globale du monde musulman se trouve posée, mais non résolue depuis plus d’un siècle et demi. Quelle que soit la tendance de tel ou tel auteur, tous sont d’accord sur le retard ou, plus exactement, la crise du monde musulman.

Par Yadh Ben Achour (*)

Ce dernier se trouve ankylosé par des siècles de passion dogmatique. Cela se manifeste en particulier par unattachement toujours ressuscité, au cours des siècles, à un certain nombre de positions théologiques et de doctrines juridiques invariables, malgré les bouleversements historiques et sociaux considérables. La crise du monde musulman n’est évidemment pas une crise exclusivement intellectuelle. Elle est à la fois une crise de la société et de la pensée. Crise de la société, elle se situe au niveau dudéveloppement et de l’équilibre des facteurs matériels tels que la démographie, l’économie, le développement technologique et scientifique, le développement urbain, le développement rural, etc. Crise de la pensée, elle engage un débat sur la culture, l’art, la littérature, la théologie et notre conception du droit. Cependant, les deux niveaux sont indissociables. On sait combien le travail, par exemple,dépend principalement de nos conceptions de l’autorité, de la responsabilité, et du droit. La civilisation matérielle ne peut être pensée sans l’esprit civique. La séparation des deux niveaux ne peut être justifiée que pour des raisons didactiques.
La réflexion des auteurs «musulmans» sur l’Islam varie selon l’engagement personnel de chacun. Certains auteurs, assez rares, comme Ibn Warraq(1),Rashâd Khalifa(2), Hamid Zanaz(3) ou Taslima Nasreen(4) ont fait le choix de quitter totalement le giron de l’Islam et de la charia et de se placer sur le seul terrain de la modernité et des droits modernes. Pour ceux-là, l’Islam n’est pas réformable, structurellement parlant(5). Il est par nature totalisant, refuse la liberté individuelle, prône la violence. Je n’entrerai pas dans une discussion defond avec cette tendance d’inspiration «renanienne»(6). Pour l’instant, je me contenterais de dire à tous ses adversaires que tant que la vie ou la tranquillité de ces penseurs de la rupture seront menacés, cela constitue une preuve suffisante que leur opinion est juste. Il n’existe qu’une seule manière de prouver qu’ils ont tort : les admettre. A cette seule condition, on serait en droit des’opposer à leurs thèses. Cela veut dire que, au niveau de la culture, le véritable enjeu d’avenir du monde musulman tourne autour de la liberté de pensée et de conscience.
D’autres ont cru et croient encore que les origines de la crise sont dues à l’abandon par les musulmans de leurs normes fondatrices et que le retour intégral à ces normes perdues garantirait, par lui-même, l’assurance d’un avenirmeilleur et d’une gloire retrouvée.
Il faut évoquer enfin les penseurs qui ont tenté de reformuler l’herméneutique coranique, c’est-à-dire de remettre en cause l’herméneutique classique pour lui substituer des interprétations nouvelles adaptées au monde moderne, par la voix de l’ijtihad. C’est le cas de Mohammed Iqbal qui, parmi les premiers, a proposé de ne pas considérer le Coran comme un codejuridique étant donné que son objectif essentiel consistait à imbiber le cœur des plus hauts degrés de conscience de son rapport au créateur et à la création. La vie, précise-t-il, étant caractérisée par le mouvement, l’ijtihad constitue, en Islam, le socle de ce mouvement existentiel, vital, qui anime toute société humaine(7).
Après avoir rapporté les hadiths prophétiques qui vont dans ce sens,après avoir expliqué longuement les causes profondes d’ordre théorique et pratique qui expliquent le recul, pour ne pas dire le gel de la pensée islamique, après avoir analysé certaines tendances des mouvements réformateurs qu’il compare d’ailleurs au protestantisme en Europe, il affirme que la charia islamique est totalement ouverte aussi bien à l’évolution qu’à la création. Cela rompt cet…