Les formes poétiques
LES FORMES POETIQUES LES FORMES FIXES
Le sonnet Rimbaud, Ma bohème. Poésies (1869/72)
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées; Mon paletot soudain devenait idéal; J’allais sous le ciel, Muse, et j’étais ton féal; Oh! là là! que d’amours splendides j’ai rêvées! Mon unique culotte avait un large trou. Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course Des rimes. Mon auberge était à laGrande-Ourse. Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou Et je les écoutais, assis au bord des routes, Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes De rosée à mon front, comme un vin de vigueur; Où, rimant au milieu des ombres fantastiques, Comme des lyres, je tirais les élastiques De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur!
La ballade Villon, Ballade des pendus (1462)
Frèreshumains, qui après nous vivez, N’ayez les coeurs contre nous endurcis, Car, si pitié de nous pauvres avez, Dieu en aura plus tôt de vous mercis. Vous nous voyez ci attachés, cinq, six : Quant à la chair, que trop avons nourrie, Elle est piéça dévorée et pourrie, Et nous, les os, devenons cendre et poudre. De notre mal personne ne s’en rie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! Se frèresvous clamons, pas n’en devez Avoir dédain, quoique fûmes occis Par justice. Toutefois, vous savez Que tous hommes n’ont pas bon sens rassis. Excusez-nous, puisque sommes transis, Envers le fils de la Vierge Marie, Que sa grâce ne soit pour nous tarie, Nous préservant de l’infernale foudre. Nous sommes morts, âme ne nous harie, Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! La pluie nous adébués et lavés,
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Et le soleil desséchés et noircis. Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés, Et arraché la barbe et les sourcils. Jamais nul temps nous ne sommes assis Puis çà, puis là, comme le vent varie, A son plaisir sans cesser nous charrie, Plus becquetés d’oiseaux que dés à coudre. Ne soyez donc de notre confrérie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! Prince Jésus, qui surtous a maistrie, Garde qu’Enfer n’ait de nous seigneurie : A lui n’ayons que faire ne que soudre. Hommes, ici n’a point de moquerie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Le pantoum Baudelaire, Harmonie du soir, Les Fleurs du mal (1857)
Voici venir les temps où vibrant sur sa tige Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir; Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir,Valse mélancolique et langoureux vertige! Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir; Le violon frémit comme un coeur qu’on afflige; Valse mélancolique et langoureux vertige! Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir. Le violon frémit comme un coeur qu’on afflige, Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir! Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir. Le soleil s’est noyé dansson sang qui se fige. Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir, Du passé lumineux recueille tout vestige! Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige… Son souvenir en moi luit comme un ostensoir!
LES FORMES REGULIERES
L’ode. Claudel. Cinq grandes odes. 1910. Début de la Deuxième ode. L’esprit et l’eau
Après le long silence fumant, Après le grand silence civil de maints jours toutfumant de rumeurs et de fumées, Haleine de la terre en culture et ramage des grandes villes dorées, Soudain l’Esprit de nouveau, soudain le souffle de nouveau, Soudain le coup sourd au cœur, soudain le mot donné, soudain le souffle de l’Esprit, le rapt sec, soudain la possession de l’Esprit!
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Comme dans le ciel plein de nuit avant que ne claque le premier feu de foudre. Soudain le ventde Zeus dans un tourbillon plein de pailles et de poussières avec la lessive de tout le village! Mon Dieu, qui au commencement avez séparé les eaux supérieures des eaux inférieures, Et qui de nouveau avez séparé de ces eaux humides que je dis, L’aride, comme un enfant divisé de l’abondant corps maternel, La terre bien chauffante, tendre-feuillante et nourrie du lait de la pluie, Et qui dans le…