Lecture de mondes imaginaires

janvier 9, 2019 Non Par admin

Littérature Générale et Comparée

Clémentine Blayo 16 avril 2008
20601514

Sujet de dissertation – Lecture de mondes imaginaires :

« Il ne s’agit là que d’un récit de fiction, sans importance, une « bagatelle littéraire échappée comme à son insu » à la plume de l’auteur, comme le dit fort bien More. Il ne faut cependant point faire preuve de trop de naïveté face à cesdéclarations […]. Sous l’apparente légèreté se cache en fait une critique sociale sans concession, car les sociétés imaginaires mettent bien en valeur les sociétés réellement existantes et se présentent comme de possibles alternatives. »
(T. Receveur et I. Voirin)
Vous commenterez et apprécierez cette analyse portant sur les utopies littéraires et incluant les œuvres au programme de Cyrano et Swift.Loin d’être un rêve irréalisable, l’utopie est le lieu fictif qui permet aux auteurs de critiquer la société. Ce nouveau genre littéraire, qui apparaît en 1516 avec Utopia de Thomas More, va donner lieu à un mélange littéraire de sérieux et de divertissement. La plupart des utopies va fonctionner sur le même modèle, elles seront construites sous forme de récits de voyages dans lesquels levoyageur en question relatera ses aventures. Celles-ci seront prétexte à la description des sociétés rencontrées au court du voyage. C’est le cas, par exemple, de More avec Utopia, portée par son protagoniste Raphaël Hythlodée, de Swift avec Les voyages de Gulliver ou bien de Cyrano de Bergerac avec Les états et empires de la Lune et du Soleil. Ce recours au récit de voyage va permettre de retenirl’attention du lecteur : « Il ne s’agit là que d’un récit de fiction, sans importance, une « bagatelle littéraire échappée comme à son insu » à la plume de l’auteur, comme le dit fort bien More. Il ne faut cependant point faire preuve de trop de naïveté face à ces déclarations […]. Sous l’apparente légèreté se cache en fait une critique sociale sans concession, car les sociétés imaginaires mettent bienen valeur les sociétés réellement existantes et se présentent comme de possibles alternatives. » Cette analyse de T. Receveur et de I. Voirin reflète le caractère double du genre de l’utopie. Aussi, on peut se demander de quelles façons les utopies littéraires se servent-elles de la fiction comme support de la critique sociale ? Pour répondre à cette problématique, nous nous intéresserons au cadrefictionnel de l’utopie, puis à sa visée didactique et moraliste pour enfin dégager les valeurs de la société idéale.

Si le cadre initial de l’utopie est souvent une insatisfaction du présent, la littérature utopique est le lieu privilégié des « pays de nulle-part » où règnent paix, liberté, justice et égalité. Ces pays, souvent écartés du reste du monde, permettent de dénoncer lesdysfonctionnements de la société par le biais de la fiction. Jusqu’au XIXème siècle, l’utopie littéraire est en fait un genre qui relève de la politique. Les philosophes écrivent des fictions, des récits de pays lointains telles que Les lettres persanes de Montesquieu ou Les voyages de Gulliver de Swift. A l’époque, les libertés d’expression réduites ont obligé ces auteurs à camoufler leur critiquepolitique et sociale en cédant la parole à un étranger. Le procédé narratif du recours au regard étranger permet de détourner la censure mais surtout de prendre une posture philosophique par une mise à distance critique puisque l’auteur va pouvoir prendre du recul pour mieux juger de sa propre société. De cette façon, on se rend compte que l’énonciation est truquée. Au premier plan, on a un personnagecomme Gulliver, qui découvre et qui fait une comparaison entre sa culture et celle qu’il observe. Mais sous ce masque, on a un second émetteur, Swift, qui par cette distanciation va pouvoir atteindre son but principal : « je me propose dans tous mes travaux de vexer le monde plutôt que de le divertir… Voilà la grande base de misanthropie sur laquelle j’ai élevé tout l’édifice de mes…