Lecture analytique du chapitre 19 de candide, voltaire
Lecture Analytique du Chapitre 19 de Candide, Voltaire
De « en approchant de la ville » jusqu’à « il entra dans Surinam »
En quoi ce texte est-il un réquisitoire contre l’esclavage ?
Introduction :
Chassé du paradis terrestre, le château de Thunder-ten-tronckh, Candide en découvre un deuxième, l’Eldorado. Mais il décide de le quitter car deux éléments lui manquent : l’amour et lareconnaissance. Après le passage à l’Eldorado, monde parfait et utopique, il fait la rencontre d’un esclave à Surinam et retrouve la dure réalité.
I. Une mise en scène de la dénonciation
a. Une construction particulière
• Le récit est beaucoup moins présent que le dialogue : il encadre et met en scène le discours:
? La première phrase décrit les conditions de vie de l’esclave : la description estprogressive, du moins grave au plus grave :
– On décrit d’abord sa position, il est « étendu par terre » (l.20-21), ce qui n’est pas une position normale : il est très affaibli
– Puis son habit : « n’ayant plus que la moitié de son habit, c’est-à-dire d’un caleçon de toile bleue » (l.21-22) : on comprend alors qu’il s’agit d’un esclave
– Et enfin son état physique : « il manquait à ce pauvrehomme la jambe gauche et la main droite » (l.22-23)
Cette mise en scène, dès le début du passage, constitue une sorte d’introduction qui situe le lieu, les personnages
? La dernière phrase sert à « refermer la parenthèse » : Candide est compatissant, ému : la redondance des termes « des larmes » et « en pleurant » montre sa grande émotion.
• Le discours du noir est mis en évidence : Candidecommence à lui poser la question «Eh, mon Dieu !(…) que fais-tu là, mon ami, dans l’état horrible où je te vois ? », puis l’esclave répond, et enfin Candide et Cacambo dialoguent à la suite de ce discours.
b. Le discours de l’esclave
• Son discours est neutre : l’esclave ne cherche pas à le rendre pathétique, le seul terme qui peut l’être est « Hélas ! » (l.38). Il semble détaché de sa condition: selon lui, la façon dont on le traite, « c’est l’usage » (l.28) ; de plus, le parallélisme « Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. » (l.29-33) donne une logique au traitement des esclaves. Pour lui, c’est normal, c’est légal (cf. Le Codenoir). L’esclave ne se plaint pas, il explique sa condition de façon très objective : il semble l’accepter car il en est de même pour tous les esclaves (il utilise le pronom personnel « nous »).
• Son discours est aussi argumentatif : il utilise des connecteurs logiques comme « quand », « cependant », « or » ; il est aussi construit :
? D’abord, il explique les conditions de vie des esclaves
?Ensuite, il retranscrit les paroles de sa mère et ajoute que les animaux sont « mille fois moins malheureux » qu’eux
? Puis il retranscrit indirectement le discours des prêcheurs
L’esclave est passif, mais son discours a un impact de par sa construction logique.
II. Un discours en réalité très ironique
a. L’ironie
Voltaire joue sur les décalages et les figures de style :
? Le discours dela mère est totalement opposé à la réalité : elle dit que c’est un « honneur » (l.37) de travailler pour leurs « seigneurs les blancs » (l.37), qu’il sera « heureux » (l.36), et qu’il fera leur « fortune » (l.38)
? De même, le discours des prêcheurs est opposé à la réalité : ils disent aux esclaves qu’ils sont « tous enfants d’Adam, blancs et noirs » (l.43), or les esclaves ne sont pas traités dela même manière que les blancs !
? « C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe » (l.33) montre l’opposition entre le traitement intolérable des esclaves, leur malheur, et le confort des Européens. « à ce prix » est une litote : elle renferme la condition atroce des esclaves. Ils sont exploités pour la culture du sucre, les Européens le consomment en toute tranquillité.
? « Les chiens,…