Le modèle sud américain

décembre 4, 2018 Non Par admin

Quel modèle de développement pour l’Amérique latine ?
Paul Cliche
Directeur adjoint, Service des programmes internationaux,
Développement et Paix

Le point de départ
Au cours des trois dernières décennies, le modèle dominant de développement qui s’est imposé à l’échelle mondiale est celui du capitalisme dans sa version néolibérale ou ultralibérale. Ce modèle, faut-il le rappeler, s’est entout premier lieu implanté en Amérique latine, plus précisément sous la dictature chilienne du général Pinochet au milieu des années 70. Il s’inspire des thèses libérales libre-échangistes du XIXème siècle, se fondant sur une foi inébranlable dans les vertus autorégulatrices du marché. Les politiques économiques néolibérales, qui ont été appliquées massivement et ont inspiré les plans d’ajustementstructurel imposés aux gouvernements du Sud, ont impliqué une libéralisation de la circulation des capitaux, des privatisations souvent massives tendant à éliminer le rôle entrepreneur de l’État de même qu’une dérèglementation ayant pour effet de diminuer le rôle régulateur de l’État [1].
Durant cette période, nous avons observé un élargissement important de l’économie de marché qui s’esteffectué à travers, d’une part, l’expansion géographique du marché vers de nouvelles zones telles que la Chine et, d’autre part, l’incorporation de nouvelles branches de production comme, par exemple, celles de la reproduction (bébés éprouvettes, mères porteuses, banques de sperme, etc.), de la communication (dans toutes ses dimensions) et de la culture.
Dans ce contexte, les entreprises, les réseauxd’entreprises et, en général, ceux qui ont l’emprise sur le capital sont parvenus à jouir d’une très grande marge de manœuvre. L’économie mondiale a été largement placée sous l’égide de grandes entreprises transnationales qui échappent pratiquement à tout contrôle social. On pourrait même affirmer que les politiques néolibérales ont constitué en quelque sorte la plate-forme politico-économique de cesgrandes entreprises.
En Amérique latine, l’application de telles politiques a été assurée d’abord et avant tout par les grandes institutions financières internationales (IFI) comme le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les politiques économiques, induites bien souvent grâce à un genre de chantage au moment du refinancement dela dette extérieure, se sont basées sur quatre grands préceptes :
1) Privilégier la stabilité monétaire et la protection de la valeur des investissements en argent à travers l’application de mesures économiques de type monétariste [2], même si cela impliquait souvent une augmentation du chômage et de la pauvreté.
2) Privatiser les entreprises d’État et certains services publics, ce qui afavorisé en général l’emprise croissante des plus grandes entreprises du secteur privé et, en particulier, des investisseurs étrangers à qui ont été ainsi offerts de nouveaux créneaux de profits.
3) Favoriser un modèle économique extraverti, fondé sur les exportations, ceci dans le cadre d’un développement de type inégal puisque, pour un travail comparable, la rémunération dans les pays du Sud estinférieure, voire beaucoup plus faible, que dans les pays les plus riches situés au centre du système mondial. La compétitivité de ces pays, que l’on exprime souvent en termes d’avantage comparatif, mise d’ailleurs largement sur le maintien de bas salaires, c’est-à-dire en dernière instance sur la pauvreté. Rappelons que dans le contexte d’une stratégie de développement autocentré fondée sur le marchéinterne, on serait susceptible de souffrir d’un taux trop élevé de pauvreté, puisqu’on a besoin de la demande solvable de la masse des consommateurs nationaux. Or, dans un contexte d’extraversion économique, les consommateurs sont situés dans un autre pays.
4) Pratiquer une politique de libre échange, créant un cadre global de libre circulation des capitaux, des produits et des services…