Laure gauthier

décembre 27, 2018 Non Par admin

Laure Gauthier et Mélanie Traversier (dir.), Mélodies urbaines. La musique dans les villes d’Europe (XVIe-XIXe siècle), Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2008, 360p., ISBN 978-2-84050-563-1, 32 euros. Depuis une dizaine d’années, les recherches sur le paysage sonore des villes européennes à l’époque médiévale et moderne deviennent de plus en plus nombreuses1. Elles sont serviespar un double mouvement méthodologique qui transforme actuellement en profondeur, dans ce domaine comme dans bien d’autres, les pratiques de l’histoire. Le premier est une tendance générale à la valorisation de la pratique de l’interdisciplinarité. Dans ce cas précis, elle permet une intensification des collaborations, jusque-là très normées, entre les historiens, qui apprennent progressivement àdépasser leurs réticences devant les formes de l’expression non écrite (et auxquelles leur formation ne les familiarise guère) et les musicologues, qui ne se sentent plus voués à la célébration des grands compositeurs ou à l’analyse esthétique des oeuvres. Le développement dans les pays anglophones, au cours des années 1990, de la new musicology, qui suggérait, un peu à la manière des newhistoricists en littérature ou des tenants de la New Art History, de traiter les œuvres comme des productions historiques et, donc, de les étudier dans leur contexte social et culturel, a déclenché un ensemble de recherches qui se sont finalement rapprochées de celles menées en France, en Italie, ou en Allemagne, où il a toujours existé une puissante tradition d’histoire de la musique et de ses institutions,souvent d’inspiration érudite. Le second mouvement est justement la volonté de la part des chercheurs de situer systématiquement leurs travaux dans une perspective européenne et, dans certains cas, comparatiste. Cette approche est féconde par la fertilisation des problématiques et la confrontation des résutats qu’elle permet, et elle est, de surcroît, en phase avec les objectifs généraux de lapolitique scientifique européenne, ce qui facilite l’obtention de financements internationaux, à l’image du programme de la Fondation Européenne pour la Science, Musical Life in Europe, 1600-1900 (1998-2001) dans la lignée duquel le livre recensé se situe explicitement. L’intérêt actuel pour l’étude des sens (ainsi que des émotions) constitue une troisième impulsion, thématique cette fois-ci.Travaillant à reconstituer la dimension sensorielle de l’existence des Européens de la Renaissance, ou de ceux du XIXe siècle, les historiens tendent actuellement à se concentrer sur des sens moins immédiats que la vue, qui est, sans doute, celui sur lequel se repose le plus l’homme moderne, ou moins étudiés que le goût, très exploré dans le sillage des études sur l’alimentation, initiées depuis lesannées 1970. Le toucher, l’odorat et, surtout, l’ouïe font donc l’objet d’une attention de plus en plus soutenue2. L’intensité avec laquelle les sons, qu’il s’agisse de bruits et de musiques, deux éléments se chevauchant parfois au gré des perceptions, structuraient la vie quotidienne, du Moyen Âge et à l’époque contemporaine, est de mieux en mieux reconnue3. Il n’est, enfin, pas étonnant que l’espaceurbain se trouve au
1

Voir la belle synthèse de David Garrioch, « Sounds of the city : the soundscape of early modern European towns », Urban History, vol. 30, n° 1, 2003, p. 5-25. La notion de paysage sonore est née des travaux du Canadien Raymond Murray Schafer, Le Paysage sonore. Toute l’histoire de notre environnement sonore à travers les âges, Paris, J.-C. Lattès, 1979 [1er éditionanglaise, 1977]. 2 Voir Mark M. Smith, « Making Sense of Social History », Journal of Social History, vol. 37, n°1, Fall 2003 ou Alexander Cowan et Jill Steward (édité par), The city and the senses : urban culture since 1500, Aldershot, Ashgate, 2007. 3 A. Corbin, Les cloches de la terre : paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1994 ; Bruce R….